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jeudi 1 décembre 2011

Journal économique de J.-B. André - 1


Un document inédit exceptionnel

 

Notre adhérent, Georges Fraisse, est en possession du Journal économique de Jean-Baptiste André, fils aîné du dernier seigneur d'Aubière.
Ce manuscrit inédit (1790-1842) nous révèle de nombreux aspects de l'histoire. Le premier d'entre eux est l'aumône aux pauvres en 1790 (voir ci-dessous la présentation que nous en faisait Georges Fraisse en 2004).

Si le recensement de la population de 1788 dénombrait environ 200 Aubiérois ayant besoin de la charité publique, on peut être effondré quand Jean-Baptiste André nous en annonce 560 deux ans plus tard ! La crise économique n'a fait que croître, et l'on comprend plus aisément les évènements qui vont suivre et la révolte de certains esprits parmi les plus défavorisés...
Ce sera pour certains de nos adhérents, comme pour moi, une grande émotion de voir le nom de leurs ancêtres parmi la liste qu'en fait le sieur André. Mes ancêtres directs de la lignée patronymique figurent en effet au nombre des plus démunis : 6 bouches crient leur faim dans la famille Bourcheix "drevou". Le compte est juste : les parents, Antoine et Marguerite Robert ; les enfants, Guillaume, Marie, Anne et Joseph, tous nés entre 1782 et 1788, tendent leurs mains vers ce secours inespéré (4 autres enfants naîtront entre 1792 et 1799; la plupart ne survivra pas à ces terribles années). Pierre Bourcheix

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Économie vient du grec oikonomia, organisation, et de l’économie domestique Larousse donne cette définition : organisation de tâches relatives à la tenue d’une maison et à la vie d’un ménage. Le vieux Littré du XIXème siècle propose pour économie : bon ordre dans la conduite et l’administration de tout établissement.
C’est bien à cela que s’est attaché Jean-Baptiste André. La méticulosité de la rédaction est le reflet de l’administration de ses biens. La période couverte est énorme : 1790 à 1842. Même l’interruption de deux ans (de juillet 1793 à août 1795) participe à sa façon au déroulement de la vie de ce dernier baron d’Aubière, dans la période sûrement la plus chaotique de l’histoire de la France : Révolution, Directoire, Consulat, Empire, Restauration, Cent Jours, Restauration, Révolution de 1830, Royauté constitutionnelle.
Petite remarque : en bon légitimiste, Jean-Baptiste André n’a jamais utilisé le calendrier révolutionnaire pour dater son journal.
Une chose est frappante au niveau des évènements douloureux : une grande retenue des sentiments, une grande neutralité, une modération qui peut paraître sèche parfois, faisant douter de la sincérité de l’expression ; mais l’auteur des lignes s’en tient à la définition qu’il a donné à son « œuvre », journal économique. Ce n’est pas un livre de raison.
La densité de la matière qui est traitée nous pose quelque embarras quant à sa totale diffusion : quatre-vingt-neuf feuillets recto verso, remplis d’une petite écriture dense ; c’est assez impressionnant.
La transcription d’un tel ouvrage, bien que longue, est une tentation à laquelle nous cèderons peut-être un jour.
En fait, ce journal a mille facettes : jardinage, affaires de famille, vie du village, recettes vétérinaires, économie spéculative… La liste n’est pas exhaustive. Dans l’avenir, nous pourrons revenir sur l’un ou l’autre de ces aspects.
Aujourd’hui, c’est l'aumône aux pauvres que nous vous présentons.


Épisode 1
L'aumône aux pauvres

juillet 1790
lundi 12 : cette semaine est la dernière de celles ou l’on a donné l’aumône de pain, cette aumône a été commencée dans le mois de janvier, et elle a consommé environ 45 à 48 septiers de blé, Mr le curé et nous l’avons donné alternativement d’une semaine à l’autre, pendant deux jours de la semaine savoir le lundi et le jeudi, et cette semaine est la vint sixième ; chacun a fait par conséquent vingt-six distributions ; chacune de nos distributions était au commencement de treize, et à la fin de dix-sept tourtes pesant chacune environ vingt-cinq livres, les dix-sept tourtes font à peu près deux septiers, la liste des pauvres divisée par familles formait 560 individus, et chaque famille recevant suivant le nombre de personnes qu’il y avait, chaque tourte faisait environ trente trois portions, ce qui fait un peu plus de trois quarts par personne, le blé se vendant cette année à dix écus le septier cette aumône peut être évaluée à la somme de treize cents livres ou à peu près. la manière de faire cette distribution était fort simple, il y avait une liste et chacun de ceux qui étaient inscrits sur cette liste avait un billet où était son nom et le nombre de portions qu’il devait avoir, à chaque distribution le billet était représenté et marqué d’un chiffre, pour qu’il ne put pas l’être plus d’une fois.
voilà la liste des pauvres.
Michel Rouë, 1; la peyrat, 1 ; la biotte, 1 ; pinsson, 1 ; la ligere golot, 1 ; la Rizolle, 1 ; goche pere, 1 ; la cordonnere, 1 ; antoinette pezant, 1 ; la Rouenne, 1 ; pierre le vieu, 1 ; anthoinette thevenon, 1 ; louis tartarat, 1 ; la tombelle, 1 ; la jeune bertrand, 1 ; ligier domas, 1 ; la quittanciere, 1 ; bony jeune, 1 ; boudoille, 1 ; galand, 1 ; la guerre, 1 ; cadenat, 1 ; moynade jardinier, 1 ; la chabozy, 1 ; le mourat, 1 ; la merrat, 1 ; la belette, 1 ; la fille de pinsson, 1 ; la fille de gme fineyre, 1 ; la bequenne, 1 ; la fille de bony jeune, 1 ; la Roberte, 1 ; la belle fille fosson, 1 ; pierre degironde, 1 ; la fille de chacla, 1 ; la mere arveuf, 1 ; le bacholier, 1 ; la boudole belarde, 1 ; champclos, 1 ; Roche vigier, 1 [barré] ; les deux fosson, 2 ; babut cordonnier, 2 ; marie moynade, 2 ; deux jolis coeurs, 2 ; la quinzanne soliat, 2 ; la trintraud, 2 ; michel gioux fargeroux, 2 ; la veuve grenadiere, 2 ; la dupuy, 2 ; lauzard pere, 2 ; la veuve de jacques moynade, 2 ; la vieuze, 2 ; le fuyard, 2 ; la titte quinzanne, 2 ; la nane quinzanne, 2 ; la mazuel bergere, 2 ; ysabeau chatanier, 2 ; antoine berin, 2 ; la pile avoine, 2 ; la fille a la pataude, 2 ; bony aine, 2 ; giraud padelle, 2 , jean monier, 2 ; mazuel, 2 ; la veuve degironde jean, 2 ; leggade, 2 ; gube thevenon, 2 ; michel cladiere, 2 ; françois terrioux, 2 ; la veuve taillandier cougou, 2 ; chossidon, 2 ; antoine montel, 2 ; felix taillandier, 2 ; jean gioux, 2 ; jean montel, 2 ; pialou, 2 ; le fils de jean momy, 2 ; la coudreroune, 2 ; lance, 2 ; Robert, 2 ; jean montel major, 2 ; polon, 2 ; braguette, 2 ; la marguet, 2 ; le tarreaux, 2 ; jean fonteix aine, 2 ; grouat, 2 ; le Rousset, 2 ; chabozi cadet, 2 ; main, 2 ; le jeune berin, 2 ; la panissasse, 2 ; le brenaud, 2 ; langot, 2 ; gilbert taillandier, 2 ; marie teringaud, 3 ; michelle teringaud, 3 ; la toinou fauvette, 3 ; pezant peigneur, 3 ; belarde, 3 ; belard, 3 ; etienne couhendy, 3 ; amable domat, 3 ; amable mazen, 3 ; guillaume Roche, 3 ; pinet, 3 ; jacques moinade tambour, 3 ; moynade grosse tete, 3 ; la velle, 3 ; golot cassiere, 3 ; faitfeux, 3 ; la bergere, 3 ; la deyroudade, 3 ; la grelet, 3 ; pezant tourou, 3 ; pierre thevenon, 3 ; celle qui a epouse le bouvier de prat, 3 ; planat, 3 ; le petit boudieu, 3 ; frecaud de chine, 3 ; péré cadet, 3 ; ligier battu, 3 ; thomas julien, 3 ; les mineurs falateuf, 3 ; martin decorps, 3 ; domat, 3 ; pachard, 3 ; la bourive, 3 ; andre durand, 3 ; antoine thevenon, 3 ; le catonni, 3 ; jeanne thevenon, 3 ; etienne montel, 3 ; jean cougout, 3 ; la paliat, 3 ; pater jeune, 3 ; jean gioux pédeloup, 3 ; jean fonteix, 3 ; giraud arveuf, 3 ; la Ronchaude, 3 ; le Roy planche, 3 ; Roche vigier, 3 ; bony coretier, 3 ; françois bayle, 3 ; pierre mallot, 3 ; la pargoyse, 4 ; saturnin taillandier, 4 ; le penard, 4 ; la veuve cougout, 4 ; pifrat, 4 ; mange Rien, 4 ; etienne bland, 4 ; la veuve gaspard bayle, 4 ; françois arveuf, 4 ; valadier, 4 ; jacquette pachon, 4 ; bartine, 4 ; sebastien daumas, 4 ; giraud blanc, 4 ; chez le gris, 4 ; péré laine, 4 ; natiste cordonnier, 4 ; golot jeune, 4 ; bon coeur, 4 ; chapas, 4 ; françois villevaud daumat, 4 ; la coupat, 4 ; antoine laire, 5 ; priest chabre, 5 ; guillaume bayle calamard, 5 ; poste, 5 ; jean deroche, 5 ; antoine claustrat, 5 ; gilbert aurine, 5 ; pezant tailleur, 5 ; antoine chavaniat, 5 ; guillaume cassiere, 5 ; la lampiane, 5 ; brolly peyrinade, 5 ; françois broly, 5 ; larveuf des planches, 5 ; la navette, 5 ; pierre valeix, 6 ; antoine deroche, 6 ; bourcheix drevou, 6 ; françois teringaud, 6 ; glandou, 6 ; la farinade, 6 ; le piniere bossu, 6 ; pater jeune, 6 ; carabinier, 7 ; laveugle, 7 ; antoine monier, 7 ; antoine terrioux, 7 ; la Rodde, 7 ; gilbert bayle, 7 ; michel janon, 7 ; la poncette, 8. Total : 560
[en réalité, 564]

[le chiffre qui suit le nom ou le sobriquet indique le nombre de bouches à nourrir]

Pour nourrir cette quantité de pauvres en donnant a chacun deux livres de pain par jour, ce que l’on peut supposer attendu qu’il y a grand nombre d’enfants, le septier faisant 240 livres de pain, il faudrait pour six mois 840 septiers, ce qui fait par tête un septier emine, s’il a été donné cent septiers en aumônes, cela fait a peu près le huitième de leur subsistance, ce qui ne laisse pas que d’être un grand secours. cette manière de faire l’aumône a trois avantages 1° de ne donner qu’à ceux qui ont besoin, 2° de ne donner que ce qui fait besoin, 3° de donner à chacun proportionnément à ses besoins, sans compter l’avantage de faire le pain dans le ménage, tandis que si la même valeur était distribuée en argent, les pauvres seraient obligés de l’acheter et l’achetant à la livre sur le pied de dix écus, qui a été le plus haut prix du seigle, tandis que le pain qu’on leur vend indépendament des mélanges est fait avec du blé qui ne coûte pas plus de vingt cinq livres.

Rapporté par Georges Fraisse (2004)

(Ce qui est entre crochet sont des annotations de G. Fraisse)



Voir la version intégrale - Épisode 2

 Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/ 
 
 

1 commentaire:

  1. A Jacques Pignol,
    Polon et Pifrat, dans la liste de JB André, sont des Pignol.
    Ils sont ici désignés par leur sobriquet.

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