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mardi 27 mars 2012

Journal économique de J.-B. André - 2


1790 à 1842

Un document exceptionnel à suivre chaque semaine !

Après l’aumône aux pauvres (qui constitue le 1er épisode), voici le second épisode du Journal économique de Jean-Baptiste André, dernier baron d’Aubière, et fils aîné du dernier seigneur d’Aubière.
Georges Fraisse décédé, sa veuve, Annie, m’a autorisé à publier le contenu de ce journal manuscrit. C’est avec plaisir que je m’efforcerai de respecter la volonté de mon regretté ami Georges, qui souhaitait transcrire l’intégralité de ce manuscrit inédit, pour servir à l’histoire d’Aubière et, peut-être, à celle de l’Auvergne.
C’est la vie quotidienne à Aubière et sur les domaines de la famille André d’Aubière qui nous est présentée dans ce Journal économique d’une importance historique considérable. Les généalogistes y trouveront quelques éléments intéressants et des listes de patronymes aubiérois où se cache peut-être un ancêtre…
Au texte original (en italiques), dont seule la ponctuation a été corrigée, j’ai ajouté quelques notes entre crochets [ ] au milieu du texte, d’autres en bas de page qui apportent définitions ou précisions, et quelques illustrations. Je me suis permis également de compléter par des liens vers le cadastre napoléonien de 1831 pour situer certains terroirs cités par l’auteur. Enfin, je vous informe que les pages seront publiées sur ce blogue au fur et à mesure de leur transcription, à un rythme en principe hebdomadaire. Nous devrions donc passer de très nombreux mois ensemble avec le « récit » de Jean-Baptiste André… (P.B.)


Épisode 2
Juillet – Aoust 1790

La rentrée des foins en Auvergne (R. Bonheur, 1855)


Juillet 1790
[Page 2]

lundi 12 juillet
Les moissons ont été ouvertes cette année vendredi 9 juillet. Elles sont heureusement très abondantes et rendront beaucoup de grains. Elles étaient le juste espoir capable d’adoucir la misère publique. Nos bleds ont été donnés à couper à prix fait, moyennant 55 £ argent, trente cinq pots de petit vin, quatre pots de vin et un septier (1) de bled. Tout cela peut être évalué à la somme de 130 £. Et comme il y a à peu près trente septerées de terre, cela fait 4 £ 6 ou 7 sols par septerée (2). Ils ont employé 70 journées, ils ont donc gagné par jour environ trente sept à trente huit sols. Il y a eu dans le bas de la grande terre ou dans les deux parcelles près du chemin de Clermont dix pignons, dans le grand champvoisin onze, et dans le petit cinq. Le haut de la grande terre, partie en pamoule (3), partie en vessat (4), a donné six grands chars de vessat et six de pamoule.

28 juillet
On a affermé la mayère (5) du pré Rougier moyennant 500 £ et on s’est réservé tous les arbres qui ne sont pas saules, mailles, vergnes, frênes ou trembles. On s’est aussi réservé la onzième portion de la mayère, mais en déduction du prix de l’afferme, sans être néanmoins obligé de fournir aucune main-d’œuvre pour l’exploitation de ce lot. Les fermiers sont Antoine Chirol, charon, Victor Brugière, Giraud Montel, Jean Arveuf, André Momy, Pierre Mazen, Jean Jallut, Jean Momy, Antoine Montel, Jean Roche dit Tomas, tous habitants d’Aubière.

31 juillet
On a charrié aujourd’huy tous les pignons de la grande terre, dautres deux petites parcelles et des deux champs voisins, il y a eu trente trois chars de bœufs et six charretées ; chaque pignon n’a fait par conséquent qu’un char et demi ; et sur ce pied-là, chaque char pouvait avoir 4 à 500 gerbes. Le temps était beau et tout s’est fermé bien sec.


Aoust 1790
[Page 3]

1er aoust
Dans le mois dernier, le prix du bled a éprouvé de grandes variations. Dans le commencement, il a été fort cher comme pendant toute l’année, c’est-à-dire que le seigle était à dix écus et le reste à proportion. Au moment de la moisson, il a tout de suite baissé jusqu’à seize francs, mais le froment s’est toujours soutenu à trente deux et trente trois livres parce que les nouveaux froments n’étaient pas encore coupés, mais la diminution du prix du seigle, ayant attiré un grand nombre de montagnards, le seigle est tout de suite remonté à 26 £, au dernier marché, il était à dix huit.
Le vin a valu pendant ce dernier mois, au commencement vin vieux quatre francs, vin nouveau trois livres cinq ; à la fin vin vieux quatre livres cinq, vin nouveau trois livres dix.

8 aoust
On a affermé le regain du petit pré Rougier 34 £ dix sols au nommé Jacques Mazin. Le regain est fort clair ; la sécheresse ayant été extrême depuis la levée des foins.

15 aoust
On a affermé à Pierre Mazin et Jean Momy le regain du grand pré Rouger, en nous en réservant la moitié. Il est chargé de tout faucher et tout préparer, et il donne cent francs pour la moitié qui lui reviendra. Le regain est très mauvais.

29 aoust
Les noix ont été affermées moyennant quatre quintaux et demi, mesure du poids du Roi, trois quartons (6) de noix choisies et quatre pains de noix. L’huile ne doit être mesurée que vingt quatre heures après avoir été fait. Les fermiers sont Pierre Benay, Ligier et Guillaume Chalamaud, Martin Cassière, fils à Guillaume.

30 aoust
On a fini de couper aujourd’huy le regain de la garenne. Le prix fait était de 12 £. Ils ont employé pour le couper quatorze journées. C’était le gendre du mourat, Ebely, Pezant touron, Pierre le nieu.
La garenne a produit six chars de regain que l’on a fait mêler avec de la paille de pamoule. On ne s’attendait pas qu’elle fut aussi bonne, vu la grande sécheresse.
Nous avons depuis quinze jours environ un bœuf malade. Le maréchal expert a ordonné d’abord trois breuvages par jour de pinte chaque fois fait avec de la chicorée amère et de la sauge.
On doit prendre une poignée de chacune de ces plantes, l’on fait bouillir légèrement la chicorée amère dans quatre pinte d’eau commune ; après cette petite ébullition, l’on ajoute la sauge et une once de sel de nitre (7), on retire du feu et on laisse infuser pendant une heure, et on coule ensuite pour en donner une pinte le matin, la seconde à midi et la troisième à six heures du soir. Il faut aussi donner par jour quatre lavements d’eau tiède, faire boire blanc le bien faire bouchonner par tout le corps. Ces breuvages ont été continués pendant quatre à cinq jours après lesquels on lui a fait prendre du vin avec de labcinte.


Annotations de Pierre Bourcheix :
1- Septier : setier, ancienne mesure de capacité pour les grains et les liquides. Variable selon les régions, il vaut à Paris 156 litres environ.
2- Septérée ou setérée : ancienne mesure de superficie, surface que l’on peut ensemencer avec un septier.
3- Pamoule : céréale, sorte d’orge.
4- Vessat : vesce, plante fourragère.
5- Mayère : branches de saule. Faire la mayère, c’était tondre toute la ramure des saules ou autres vergnes (aulnes) ; à Aubière, on disait aussi faire les remailles. Ce dernier mot a donné remacle puis ramacles, d’où la place des Ramacles.
6- Quarton : ancienne mesure de capacité pour les grains ou les liquides (huile de noix).
7- Nitre : Nom vulgaire du nitrate de potasse et du salpêtre (azotate de potasse) ou nitre prismatique.

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