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mercredi 11 décembre 2013

François Dégironde, soldat dans l’Armée du Rhin



Lettre à une mère

François Dégironde a tout juste vingt ans lorsqu’il se retrouve dans l’armée des Républicains face aux coalisés sur le front de l’est. Au mois de juin 1793, il est déjà sur le site de Wissembourg en Alsace où, six mois plus tard, aura lieu la fameuse bataille, victorieuse pour les Armées du Rhin. Son campement est situé quelques kilomètres au nord en Allemagne, à Schweigen.
C’est de ce camp qu’il écrit à sa mère, Françoise Gioux, veuve, pour se plaindre du climat et réclamer des lettres, sans doute torturé par l’ennui et l’angoisse…

Wissembourg 1793 : l'Etat-Major en pleine réflexion
Schweigen près de Weissenbourg d'après la carte de Cassini
Adresse du destinataire de la lettre
de François Dégironde
 
La lettre de François Dégironde :

Au camp de Chewegen près Vissembourg
le 23 juin 1793 l’an 2 de la République Française

Ma cher mère,

J’ai reçu votre lettre du 5 juin avant hier et je m’empresse de vous recrire pour vous donner de nouveau de mes nouvelles. Dieu merci je me porte toujours bien et je désire que votre santé soit égale à la mienne.
Nous somme toujours campé au même endroit et nous y souffrons terriblement. Voici environ 3 semaines qu’il fait un temps horrible : vent, pluie très froide. Et on nous a ôté des couvertes que l’on nous avait donné depuis le commencement de notre campement, ce qui nous fache bien. Vous devez savoir qu’il fait plus froid ici que dans l’Auvergne, de manière que nous sommes obligés de coucher tout habillé sur la paille mouillée qui ressemble presque du fumier.
Vous me faites des reproches de ce que je vous écris avec d’autres. Je vous ai donné de mes nouvelles dans la lettre de mon cousin Cohendy. Et pour vous prier de m’écrire, ainsi faites moi réponse aussitôt que vous auré reçu celle-ci. Et aussitôt que je recevré votre réponse je vous recrirez. Si toutefois dans l’intervalle il y avait quelque chose de nouveau je vous l’écrirais comme aussi je vous prie de m’écrire s’il y avait quelque chose d’extraordinaire dans notre pays. Dites-moi que tous ceux d’Aubière qui sont partis s’il y en a qui nous vienne joindre.
J’ai reçu l’argent que vous m’avez envoyé. Je m’en suis servi pour acheter du butin pour remplacer celuy que j’avais perdu le 17 mai. On a fait le compte de ce que chacun devait au Bataillon et comme je vois que l’on se fait payer trop cher, je n’en veux plus prendre. Si vous pouvez me faire passer quelques assignats, vous me ferez bien plaisir pour m’acheter ce qui me sera nécessaire.
Je n’ai pas autre chose à vous dire si ce n’est que je vous prie de faire mes compliments à mon frère et mes sœurs et à tous ceux qui vous demanderont des miennes.
Je finis en vous embrassant du meilleur de mon cœur et en vous priant de me croire, ma cher mère, votre obéissant fils, François Degironde.

Extrait de la lettre de François Degironde (1793)
(Archives communales d'Aubière)

Tous mes camarades d’Aubière se porte bien. Jean Noellet est party pour aller dans la cavalerie ; Jean Decorps grenadier est à l’hopital il y a environ 5 jours, j’ai oui dire qu’il n’était pas bien malade.
Ecrivez moi je vous prie sur le champ.
Mon adresse est toujours dans la 3ème compagnie du 2ème Bon du puy de Dôme, 46ème Brigade au camp de Chewegen près Vissembourg.
Michel Noellet vous prie de faire ses compliments à son père et son frère, sa belle sœur et ainsi qu’à tous ses parents et il vous prie de leur dire qu’il se porte bien.

Éléments généalogiques
Les parents de François Dégironde, Guillaume et Françoise Gioux (parfois trouvé sous la graphie Joux) se sont mariés le 5 février 1760 à Aubière. Ils auront 11 enfants. Lorsque le 11ème enfant naît, le 24 avril 1780, Françoise Gioux est déjà veuve. De ces onze enfants, cinq survivront et auront une descendance : Jean, l’aîné (né en 1763), Marie (née en 1771), François (né le 24 mars 1773), Françoise (née en 1774), et Anne, la petite dernière (née le 24 avril 1780).

C’est une famille de cultivateurs, suffisamment aisée pour avoir donné à leurs enfants (ils sont allés à l’école, au moins les aînés) une très bonne éducation. Cela transparaît dans la lettre de François : il vouvoie sa mère ; il utilise certaines formules, comme transmettre « ses compliments » ou « j’ai ouï dire ». Néanmoins, François est habité par le stress. Voyez comme il réclame avec une certaine virulence des lettres de sa mère : « faites moi réponse aussitôt » ou «  écrivez moi je vous prie sur le champ » !

Carré républicain à la bataille de Wissembourg en décembre 1793

La bataille de Wissembourg en 1793
À la suite de la victoire de l'armée de Moselle à la bataille de Wœrth-Frœschwiller le 22 décembre, le général Hoche obtient le 25 décembre à Soultz-Sous-Forêts le commandement des armées du Rhin et de Moselle au détriment de Jean-Charles Pichegru. Dès le lendemain, le 26 décembre, les coalisés aux ordres de Wurmser et de Brunswick se regroupent et décident de repasser la Lauter. Une bataille de rencontre, imprévue et spectaculaire, se prépare. Hoche a en effet également prévu de faire mouvement vers le nord, vers Wissembourg. Il peut cette fois-ci prendre l’offensive, car il a le bénéfice de la surprise, bien informé par son service de renseignement, alors que les Austro-Prussiens marchent à l’aveuglette. C’est une nouvelle victoire des Armées du Rhin ! Elle est inscrite en hommage sur l'Arc de Triomphe.
François Dégironde a-t-il participé à cette bataille ? Il rentrera au pays deux ans plus tard, malade.

Sources : archives communales d’Aubière.

Pierre Bourcheix

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