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mercredi 11 septembre 2013

Registre d’audience du Bailliage d’Aubière_07



commencé le 6 avril 1767

Cet épais registre, issu des archives communales d’Aubière, rassemble les jugements rendus à Aubière par le bailly Thoury entre 1767 et 1780.

Le bailli était, dans l'Ancien Régime français, le représentant de l'autorité du roi dans le bailliage, chargé de faire appliquer la justice et de contrôler l'administration en son nom. La juridiction en charge d'un bailli s'appelle un bailliage. En France méridionale, le terme généralement utilisé était sénéchal et la circonscription la sénéchaussée.
Mais il s’agit ici du bailliage seigneurial d’Aubière (les baillis royaux ayant perdu leur pouvoir au XVIème siècle).

Le notaire Thoury, bailli seigneurial d’Aubière, était néanmoins conseiller du roi en la ville de Clermont-Ferrand. C’était en quelque sorte un juge de proximité au service du seigneur d’Aubière.

Dans mon four dois cuire ton pain !

Le 1er juillet 1780, sur la route de Clermont à Aubière, le commissaire de police, Antoine-Joseph Derribes, surprend les valets des meuniers Jean et André Jallat, ramenant à Aubière 5 tourtes de pain pour l’un, 19 tourtes de pain pour l’autre. Les tourtes viennent de chez Giraud, boulanger à Clermont. L’un d’eux, Pierre Roudet, avoue que les tourtes sont la propriété du maçon Alligros. Les tourtes sont saisies.
Averti, le baron d’Aubière, Pierre André, porte plainte : les Aubiérois ne doivent-ils pas faire cuire leur pain dans ses deux fours banaux ?
L’enquête suit ; l’audience « extraordinaire » devant maître Thoury est fixée au mardi 4 juillet.

"Cinq tourtes pour l'un..."

Du 4 juillet 1780

L’enquête révèle que Pierre Roudet, natif de Bourg-Lastic, valet de Jean Jallat, a menti au commissaire, accusant le maçon Alligros (1) par crainte et pour sauver les véritables propriétaires : des cinq premières tourtes, quatre appartiennent à Martin Baile dit Varillat le jeune (2), une appartient à Antoine Blanc (3). Me Thoury reporte le jugement de ces deux contrevenants au jeudi 6 juillet.

Pour les 19 tourtes, saisies le même jour, quatorze appartiennent à Antoine Nouëllet dit La Courteyre (4), cinq à Jacques Baile, gendre à Gaspard Tardif (5).
A l’audience, le baron Pierre André, seigneur demandeur, est représenté par son procureur Me Jean-Baptiste Barre ; sont aussi présents André Jallat (6), meunier, Antoine Nouëllet dit La Courteyre, laboureur habitant d’Aubière.
Ce dernier admet qu’il avait chargé le valet d’André Jallat de lui porter ses 14 tourtes. Il déclare qu’il a toujours fait cuire son pain aux fours banaux du seigneur (7), qu’il doit à la vérité qu’il a fait cuire des tourtes en la ville de Clermont parce qu’il avait un besoin pressant de cuire du pain pour ses moissons. Il supplie de lui faire « main levée » du pain dont il a besoin.
Jugement : « Faisant droit sur la saisie concernant ledit Nouëllet par grâce et intérêt à conséquence, luy avons fait main levée des quatorze tourtes de pain saisies ; ordonnons qu’à la remise le gardien sera contraint par corps ; faisons deffence audit Nouëllet de faire cuire son pain ailleurs qu’auxdits fours banaux à paine de confiscation et de dix livres d’amande, et pour la contravention par luy commise, le condamnons à payer au seigneur demandeur la somme de vingt-cinq sols, à laquelle nous avons fixé d’office le droit de cuisson desdites 14 tourtes de pain, en l’amande de trois livres et aux dépens, liquidés à son égard à la somme de quatre livres quinze sols dix deniers, y compris l’expédition de notre présente sentence ».
Jacques Baile, quant à lui, ne s’est pas présenté à l’audience, ni aucun procureur pour lui.
Jugement : « Avons donné deffaut contre ledit Jacques Baile, non comparant, et avons confirmé la saisie des cinq tourtes de pain ; ordonnons qu’elles demeureront confisquées du consentement dudit seigneur d’Aubière au proffit des pauvres de cette paroisse, et qu’à cet effet, elles seront remises entre les mains des sœurs de la Charité de ce lieu pour en faire la distribution suivant l’indiquation qui en sera faitte par le curé de cette paroisse. Condamnons en outre ledit Baile à payer au sieur demandeur la somme de douze sols pour le droit de cuisson desdites cinq tourtes de pain, et pour la contravention par luy commise l’avons condamné en l’amande de 3 livres et aux dépens fait à son égard et liquidé à la somme de quatre livres quinze sols dix deniers, y compris l’expédition de notre présente sentence ».
Jugement à l’encontre d’André Jallat : « En ce qui concerne ledit André Jallat, luy faisons deffence de porter à l’avenir du pain pour aucun particulier ou domiciliés de ce lieu d’Aubière, de la ville de Clermont ou d’ailleurs, dans ce lieu d’Aubière, et, pour l’avoir fait, le condamnons à vingt sols d’amande et aux dépens fait à son égard, liquidés à la somme de 4 livres 15 sols 10 deniers, y compris l’expédition de notre présente sentence.
Permettons au seigneur demandeur de faire imprimer et afficher et publier notre présente sentence tant à l’yssue de la messe paroissialle de ce lieu d’Aubière que dans la place et autres lieux accoutumés, et fera notre présente sentence exécuter ». Signé : Thoury.


Notes [Tous les actes ont eu lieu à Aubière, sauf mention contraire] :
(1) – Alligros le maçon : Ce maçon de la Creuse, Jean Alligros, est le premier de sa lignée à Aubière où il se marie le 5 février 1782 avec une toute jeune fille de 15 ans, Marguerite Lance. En 1780, il n’est à Aubière que depuis peu ; sans doute, malheureusement, faut-il chercher là que l’on s’en prenne à lui (voir ici).
(2) – Martin Baile dit Varillat le jeune : fils de Pierre et de Gilberte Delongchambon ; il s’est marié le 12 janvier 1768 à Marie Roche. En 1795, sa fortune sera estimée à 16.000 livres !
(3) – Antoine Blanc : non identifié ; il y a trop d’homonymes contemporains.
(4) – Antoine Nouëllet dit La Courteyre : ou Noëllet La Courtière. Encore une des plus belles fortunes d’Aubière dans ce dernier quart de XVIIIème siècle. Il est l’époux (mariage du 30 janvier 1742) de Gabrielle Janon, la fille d’Antoine et d’Antonia Arnaud, les donateurs de la croix Saint-Antoine.
(5) – Jacques Baile : marié depuis le 17 janvier 1764 à Marguerite Tardy ou Tardif, fille de Gaspard et de Charlotte Cassière.
(6) – André Jallat : Il représente la quatrième génération de meunier à Aubière. Fils de Jean, qui meurt le 25 mars 1750, il se marie, six ans plus tard, avec Charlotte Thévenon, le 10 février 1756. Son moulin est le moulin « d’en-bas » (voir la rue des Moulins).
(7) – Les fours banaux : Dans le système féodal, le seigneur était propriétaire du four à pains. Il l’entretenait et le mettait à la disposition des habitants (banalité). En contrepartie, les habitants de la seigneurie ne pouvait faire cuire leur pain que dans ce four et en payant une redevance. En 1780, le four banal de la place de la Halle à Aubière étant devenu trop petit, un deuxième avait été construit dans le haut des Ramacles, au quartier de la Font. Quelques années plus tard, seul le four neuf des Ramacles fonctionnera.

© - Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix



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