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vendredi 21 septembre 2012

Le ban des vendanges à Beaumont_02



Le ban des vendanges fut mal supporté par nos ancêtres, que ce soit à Beaumont ou à Aubière. A Beaumont, au fil des siècles, les élus, puis les consuls, intentèrent de nombreux procès à l'abbaye. Ce fut le cas notamment à partie de 1495, où les habitants intentèrent le procès, évoqué dans le billet précédent, au sujet des droits seigneuriaux qui incluait notamment le ban des vendanges...

Dans un mémoire tiré du fonds de l'abbaye de Beaumont, établi pour l'abbesse Marie de la Forest, on lit que « les habitants, sans qu'aucuns griefs ne leur ait été faits par les religieuses, se portèrent appelants car il voulaient que les pans (bans) ne fussent ordonnez a leur volonté », « droictz que lesdits habitans malicieusement s'estoient efforcez rendre litigieux », alors « qu'elles (les religieuses) avoient accoustumé bailler et decerner jour de vendanges et ordonner quelz pans et quartiers se vendangeoient au dit lieu ne quant ne comment et ce sur le rapport de douze preudhommes dudit beaumont » (1).

Le préambule du mémoire en réponse que fit rédiger Marie de la Forest soulignait que « Les religieuses sont dames en toute justice haulte moyenne et basse dudit lieu de beaumont et est ladite abbaye de beaumont une belle ancienne et notable abbaye de fondation royale en laquelle y a costidiennement grand nombre de notables religieuses faisans et continuans nuyt et jour divin service pour la sustentation desquelles et support des charges de ladite abbaye il y a bien petite fondation et encores tendent lesdits habitans appellans qui sont leurs subjectz par force de contradictions formelles et voyes indirectes mectre a mendicité lesdites povres religieuses et leur faire perdre les droictz de leur dite abbaye dont elles ont accoustumé journellement avoir et tirer leur povre vie » (…) « Voyant lesdites Religieuses que soubz couleur dudit appel s'il estoit différé de passer oultre à ladite provision elles estoient destituées de tous leurs droitz et en voye de mendicité et mourir de faim » !...

Précisons que ce mémoire fut rédigé à l'issue d'une enquête diligentée par la sénéchaussée qui dépêcha des commissaires à Beaumont, au cours du mois de Mars 1494. Une dizaine de Beaumontois jugés suffisamment sages, « aigés et de bonne mémoire » furent ainsi interrogés sur les droits seigneuriaux en vigueur à Beaumont, afin d’établir l’ancienneté de ces privilèges et de confirmer qui devait en bénéficier. L’un de ces témoins avait tout de même 80 ans, ce qui devait probablement constituer une exception à cette époque où l'on atteignait difficilement la quarantaine, pourvu que l'on ait échappé à la mortalité infantile et aux épidémies (la peste, que l'on trouve bien présente notamment autour de 1500 et qui réapparaît de manière récurrente, d'après les archives, décimait les populations). Il est émouvant de lire les témoignages de ces vieux Beaumontois nés à l'époque des chevauchées de Jeanne d'Arc !
Pour mémoire, il y eut aussi à cette époque plusieurs tremblements de terre assez violents... Mais nous y reviendrons une autre fois.

Certes, si l'on peut comprendre que la nature un peu vexatoire pour eux de cette prérogative abbatiale ait pu motiver leur attitude hostile, on peut penser néanmoins que les habitants exagéraient quelque peu quand ils voulaient s'approprier le ban des vendanges, car, à l'époque, comme on l'a vu, l'abbesse ne faisait décréter les bans par ses officiers qu'après avoir consulté les habitants par l'intermédiaire des douze « personnaiges idoynes et saiges » qu'elle convoquait auparavant en son parloir...

En fait, cette vindicte des habitants concernant le ban des vendanges s'inscrivait dans un ensemble de contestations à l'égard de tous les droits seigneuriaux, tels que le fournage, le chevrotage, le courtage et le droit de… noce. Il existe d'ailleurs dans les archives abbatiales un document assez savoureux sur un litige survenu entre un Beaumontois, fraîchement marié, et l'abbesse qui voulait naturellement faire respecter son droit de noce ; le marié avança pour sa part des arguments (ma foi assez convaincants) pour éviter de s'en acquitter.
Ces litiges étaient similaires à ceux que l’on retrouve pour les droits seigneuriaux à Aubière à la même époque (2).


Au Moyen Âge, la justice abbatiale jugeaient pêle-mêle lors de ses assises des infractions au ban des vendanges, des grappillages, l'absence de soins de la part des vendangeurs qui n'avaient pas remis en état les chemins et leurs abords après le passage des chars, etc.
Sur le site de la BNF, Gallica, j'ai trouvé par hasard un arrêt de cassation prononcé en faveur de vignerons Beaumontois qui avait été verbalisés lors des vendanges de 1832 pour non respect des bans publiés.
Cet arrêt (voir le texte ci-après) concernait manifestement des viticulteurs dont les vignes vendangées étaient situées sur le territoire de la commune de Clermont comme les Liondars et/ou les Rivaux, et qui furent donc verbalisés par les autorités de police de cette ville... On en retient l'impression que les Beaumontois du XIXe siècle considéraient probablement le ban des vendanges pour une contrainte, tout comme leurs ancêtres du XVe siècle...

Vendanges à Beaumont
(Collection Pageix)

BULLETIN DES ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION
RENDUS EN MATIERE CRIMINELLE
Année 1833
PARIS
DE L'IMPRIMERIE ROYALE
M DCCC XXXIV
BULLETIN DES ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION
MATIERE CRIMNELLE, N°1

(N°25.) ANNULATION, sur le pourvoi du Commissaire de police remplissant les fonctions du ministère public près le Tribunal de simple police de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, d'un jugement rendu par ce Tribunal, le 25 octobre dernier, en faveur des nommés Faye, Bernard, Cohendy, Pageix et autres.

Du 31 Janvier 1833

Les faits de la cause ; et les motifs qui ont déterminé la Cour à prononcer cette annulation sont suffisamment expliqués dans l'arrêt dont la teneur suit :

Ouï le rapport fait par M. de Crouseilhes, conseiller, et les conclusions de M. Parant, avocat général ;
Vu l'arrêté du maire de Clermont-Ferrand, portant règlement pour les bans de vendange, à la date du 3 octobre 1832 ;
Vu l'article 475 du Code pénal, paragraphe 1er ;
Attendu que le règlement dont il s'agit dans l'espèce portait à l'un des objets confiés à l'autorité municipale, et formellement rappelé par l'article 475, paragraphe 1er du Code pénal ;
Attendu que d'après les termes de l'arrêté et la délibération du conseil municipal qui lui sert de base, il est facultatif de vendanger la veille des jours indiqués pour chaque territoire, et que le samedi est considéré comme la veille du lundi ;
Attendu que c'est seulement relativement au lundi que l'on dispose dans cet arrêté que l'avant-veille sera considérée comme la veille ; que cette disposition tout exceptionnelle ne peut être étendue au-delà de ces termes ; en telle sorte que pour les autres jours de la semaine l'avant-veille soit considérée comme la veille ; et attendu qu'il est reconnu et constaté que les inculpés avaient vendangé le dimanche dans un territoire qui, d'après le règlement, devait être vendangé le mardi ;
Attendu que lesdits inculpés ont été renvoyés de la plainte, sur le motif qu'ils avaient pu vendanger le dimanche avant-veille du mardi ; par la même raison qui avait fait permettre de considérer le samedi comme veille du lundi ;
Et attendu, dès lors, que ce jugement a méconnu les dispositions du règlement du 3 octobre ; qu'en ne prononçant point contre les contrevenants la peine portée par l'article 475, paragraphe 1er, du Code pénal, il a violé cet article ;
Par ces motifs, LA COUR casse le jugement du tribunal de police de Clermont-Ferrand, en date du 25 octobre 1832 ;
Et pour être statué, conformément à la loi, sur les faits résultant du procès-verbal du 14 octobre dernier, renvoie la cause et les inculpés, Michel Faye, Jean Bernard, Guillaume Cohendy, Jean Cohendy, Jacques Pageix vieux, Jacques Pageix jeune et Costes par devant le tribunal de police de Montferrand :
Ordonne, &c. – Fait et prononcé, &c. --Chambre criminelle.

Nota. LA COUR a rendu  a la même audience, et sur le pourvoi du même commissaire de police, un second arrêt qui casse par les mêmes motifs, le jugement rendu le même jour, 25 octobre 1832, par le tribunal de simple police de Clermont-Ferrand, en faveur des nommés Daury, Tartarat, Jargaille, Renard, Bayse, Bayeron, Bonnefoy, Rabassy et Falateux (Falateuf).

Notes :
(1) - Fonds de l'abbaye de Beaumont, registre d’enquête de 1494, 50H38.
(2) - Voir les transactions entre le seigneur d'Aubière et les habitants. Pierre-F. Fournier et Antoine Vergnette. Les droits seigneuriaux à Aubière in Revue d'Auvergne Tome 42-N°1, 1928.

© Jacques Pageix, 2012

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