Actualités


lundi 30 janvier 2012

Les Aubiérois à Chanturgue

Les Aubiérois au service des bourgeois de Clermont

I - A Chanturgue, dans la vigne d'Antoine Blatin (1758-1769)
Au XVIIIème siècle à Clermont en Auvergne, il était de bon ton, dans le milieu bourgeois, de faire son vin soi-même. Antoine Blatin, marchand d'étoffes à Clermont, n'échappe pas à cette règle. C'est à l'âge de 52 ans, en 1758, qu'il achète une vieille vigne en mauvais état sur le terroir de « Chantourgue ». Il entreprend alors de replanter la vigne année après année. La remise en état de sa vigne lui coûte une petite fortune. Et, malgré cela, il y construit une "maison de vigneron", que son importance - que l'on peut estimer à une bâtisse de 10 mètres de côté - nous empêche de la comparer aux "tonnes" que les vignerons construisaient dans leur vigne, même si Antoine Blatin l'appelle son cabinet. Pour réaliser tous ces travaux, il va utiliser une main-d'œuvre qualifiée parmi laquelle les Aubiérois trouveront une place privilégiée.

Antoine Blatin

Tous les descendants de vignerons et les lecteurs de « AUBIÈRE ET LE VIN » (Cahier n°2 du C.G.H.A., 1997) savent que la vigne demande des soins à longueur d'année. Dès novembre, il faut "dépeler", puis tailler, ramasser les sarments, épandre le fumier, fossoyer, "peler", "biner", "tiercer" et "quarter". Ce qui nous mène en septembre. Enfin en octobre, ce sont les vendanges. Ne pas oublier la pose et dépose des échalas et le "provinage". Et si le ravinement est important suite aux fortes pluies, comme c'est le cas en 1762, il faut remonter la terre à dos d'hommes. Parfois, il est aussi nécessaire d'extraire les plus grosses pierres.

Antoine Blatin a tenu un livre de comptes pour l'exploitation de sa vigne d'une superficie de trente œuvres (environ 1,80 hectare pour une œuvre égale à 600 m² à Clermont). Ce journal des dépenses faites à ma vigne nommée La garde indique soigneusement, poste par poste, année après année, tous les frais occasionnés par l'entretien de la vigne et de la construction du "cabinet".
Il fait donc appel à des équipes organisées de "paysans d'Aubière", dont les chefs sont Tartarat, Fricot (pour les vendanges uniquement) ou François Noellet, avec lesquels Antoine Blatin négocie les conditions d'embauche. Ces équipes sont composées d'hommes et de femmes. Ces dernières sont utilisées pour le ramassage des sarments, après la taille, et pour les vendanges : l'équipe des vendanges du sieur Fricot par exemple, comprend environ un tiers d'hommes pour deux tiers de femmes. Leurs salaires sont généralement moins élevés. Le fumier est acheté auprès des bouchers : M. Gandebœuf à Aubière. Exemple en 1758 : Gandebœuf, boucher à Aubière, fournit 31 tombereaux à cheval de fumier de brebis. Pour la construction du cabinet de vigneron, le charpentier Annet Brugière sera employé pour les charpentes, les portes des armoires, les portes et les fenêtres, ainsi que pour les planchers. Les fabricants aubiérois d'échalas sont également mis à contribution, comme en 1761 : un millier d'échalas pour 5 livres 5 sols.

Bibliographie : La vigne d'Antoine Blatin de 1758 à 1770 d'Ernest Monpied et Georges Pinczon, S.I.E.T. 1998. Archives Blatin-Pinczon.


II - À l'époque où Clermont vendangeait (1840)
« Les coteaux qui entourent Clermont sont couverts de vignes ». Avec le peintre Amable de La Foulhouze, qui écrivit à la fin du XIXème siècle quelques pages gouleyantes sur les vignes et les vignerons des années 1840, vendangeons les vignes d'antan.
Autrefois, pendant les mois d'été, le bon citadin clermontois ne rêvait pas de distraction plus propice à son délassement que d'aller, le dimanche ou les jours de fêtes, respirer l'air et dîner à sa vigne en famille. Il fallait être bien disgracié du ciel pour ne pas posséder aux terroirs de Vallières, de Montjuzet ou des Paulines, quelques œuvres de vignes entourées de murs, de haies d'aubépine ou d'un simple treillis d'échalas.
L'ambition la plus haute du boutiquier de la rue des Gras, du banquier ou du notaire, du juge ou de l'huissier était d'avoir à diriger, à ses moments de loisir, l'exploitation d'un clos en belle vue, planté en bons cépages dits neiroux et ganets, défendu par de grands murs couverts de pêchers et poiriers en espaliers et coupé, en lignes droites, d'allées bordées d'abricotiers ou d'amandiers, plus chargés de fleurs au printemps que de fruits en automne. Pour mettre en valeur ce petit paradis terrestre, chaque propriétaire avait son vigneron domicilié à Aubière, Beaumont ou Ceyrat. Le dimanche, il venait voir son bourgeois pour régler ses comptes, s'entendre avec lui sur les plantations à effectuer, les échalas à acheter…

Vignerons de Chamalières de Talbot

Lors de ce conseil de famille, sa voix était toujours prépondérante.
Le jour marqué pour les vendanges, dès 4 heures du matin, il allait à la loue qui se tenait devant la cathédrale pour enrégimenter le personnel de la manœuvre, à savoir : un bouvier et son char affecté au transport des bacholles du cuvage à la vigne ; un certain nombre de vendangeuses descendues de la montagne et dotées chacune d'un petit pain, la miche de corne ; sans oublier deux ou trois robustes jeunes hommes, les berthaires, chargés de déverser la hotte (berthe) dans les bacholles.
A lui, le vigneron, l'honneur de recevoir la récolte entre ses bras tendus en cerceaux à l'orifice des bacholles alignées à l'entrée de la vigne. Chaque bacholle étant tarifée pour une contenance fixe, le beau de l'art consistait à y introduire la plus grande quantité possible de raisins afin de diminuer d'autant les droits d'octroi à payer à la barrière.
Le jour des vendanges constituait une vraie fête. En cette occasion, on savourait l'inévitable épaule de mouton à l'ail. Cuite sur un lit de pommes de terre, au four, à la graisse et au lard, elle laissait difficilement un petit creux pour la sacro-sainte pompe aux pommes.
Ces agapes généreusement arrosées se célébraient toujours dans la tonne, cahute en forme de grande ruche à miel et à unique porte-fenêtre surbaissée ; à l'intérieur, une table en pierre - souvent une vieille meule de moulin - et un banc circulaire sous lequel rafraîchissaient quelques bouteilles.
Dans cette "hutte barbare" ouverte à tous les vents s'engouffraient, à pleines bouches et à pleins verres, des tornades de gigot brayaude et des bourrasques d'un laisser-aller un tantinet grivois qu'un académique poète mondain du cru, Jacques Delille (1738-1813), aurait pu arroser de quelques vers de sa meilleure cuvée :

Mille vins différents, sous mille noms divers
Vont charmer, égayer, consoler l'univers :
Aï brille à leur tête, Aï dans qui Voltaire
De nos légers Français vit l'image légère ;
(…) C'est l'âme du plaisir, le charme du festin.


© - Les Amis du vieux Clermont - (La Montagne du 30 septembre 2001)


III - De ban en octroi, quand les vignerons triquaient !
Grand et Petit-Gandouillat ; Grand et Petit-Vard ; Chantourgue, Bas-Champflours, Loradoux ; la Raye-Dieu ; les Neufs-Soleils ; les Petits-Chaux ; la Côte-de-Rabanesse ; Montjuzet ; Puyvinoux ; Valière… Autant de terroirs (orthographiés à la mode de l'époque), autant de jours obligatoires pour les vendanger, du moins jusqu'aux lois de la Constituante des 28 septembre et 6 octobre 1791. Depuis, n'étant plus astreint au ban considéré comme un droit seigneurial, chaque vigneron peut vendanger quand bons raisins lui semblent mais pas n'importe comment.

Vigneron de Chanturgue sous sa treille


Pour preuve, le 2 octobre 1895, Pierre Lécuellé, maire de Clermont, prend un arrêté précisant que l'introduction des vendanges aura lieu par les grandes barrières des Jacobins, de l'Abattoir, de la route de Lyon, de Fontgiève, Issoire, Chamalières, Beaumont, des Paulines, de la Gare, des Trois-Ponts, de Saint-Jacques, et par les portes de Saint-Alyre et de la Billette (dans les années 1920, vingt-deux "barrières" d'octroi gardaient Clermont) ; tous autres passages étant formellement interdits sous peine de contravention.
Et le texte municipal d'ajouter que la délivrance des bons d'acquittement des droits d'entrée et d'octroi sera faite de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures, à la Recette principale des contributions indirectes, place d'Espagne.
Par ailleurs, "aucune bacholle, cuve ou cuvette ne devra être remplie outre mesure (…), c'est-à-dire qu'elle sera rase. Aucun enfant, domestique, ouvrier des deux sexes et de toutes professions ne doivent s'introduire dans les vignes, ni emporter des raisins sans une permission expresse de leurs père, mère, tuteur ou maître. Le grappillage est interdit d'une manière absolue. Les gardes-champêtres, ainsi que les cantonniers, exerceront à cet égard la surveillance la plus active".
Progrès oblige, au XXIème siècle, bans et octrois ont bu la tasse. Quant aux cantonniers, ils sont devenus des "agents d'exploitation" !

(La Montagne du 30 septembre 2001)

© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière (lu et recueilli par Pierre Bourcheix)

Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/

 


vendredi 27 janvier 2012

Rue de l'Hôtel-de-Ville

 Histoire des rues d’Aubière

Rue de l'Hôtel-de-Ville


Cette rue a porté successivement les noms de rue du Rossignol, dès 1867, puis rue de la Mairie et enfin rue de l’Hôtel-de-Ville. Elle part de la Mairie pour rejoindre la rue Vercingétorix.

Mairie-école avant 1914

Rue de l'Hôtel de Ville vue du sommet du "château"

Autrefois, la rue du Rossignol arrivait jusqu'au "château". La rue Hôtel de Ville de l'époque est devenue aujourd'hui la rue du Château, et la rue de l’Église, qui prolongeait la rue Saint-André, est aujourd'hui la rue Victor-Hugo.

La Tour du Rossignol est en réalité une porte. Elle était la seule issue de l’enceinte castrale vers l’extérieur des fortifications villageoises. Elle permettait au seigneur d’accéder à la garenne, terrain de chasse et verger du baron d’Aubière ; par cette porte, il arrivait directement, par l’allée de la cave à Madame, à ses caves et cuvages au sommet du grand Champvoisin. Le Rossignol reste aujourd’hui l’un des rares vestiges du moyen-âge (le dernier étage de la tour a été couvert au XVIIème siècle). Elle se situe à l'angle de la rue de l'Hôtel-de-Ville et de la rue Vercingétorix.

Porte du Rossignol

Le "canal des jardins"
Les travaux de réfection de la rue de l’Hôtel de Ville ont mis au jour, en mars 2005, un conduit qui pourrait bien être un canal d’alimentation en eau.
Ce canal traverse la rue dans un axe sud-nord au niveau des maisons Blanchet et Pironin. Nos observations nous ont permis d’évaluer les dimensions de la partie visible du canal : une longueur d’environ douze mètres sur un mètre de haut pour autant de large. Les parois latérales sont construites de pierres, de galets et de chaux, la voûte est maçonnée sur banches à la manière de nos caves.

Le "canal des jardins"

A son extrémité sud, le canal est en partie obstrué par des gravats ; une épaisseur d’une dizaine de centimètres de limons recouvre le sol.
A l’origine, le canal devait partir des fossés du village en haut des Ramacles, passer sous le quartier dit « du Verger » pour rejoindre les jardins du château, délimités au sud par la rue de l’Hôtel de Ville, la rue de la Paix à l’est, la rue Saint-Loup au nord, et la rue Champvoisin à l’ouest. Il était destiné vraisemblablement à alimenter un bassin et/ou la fontaine des jardins seigneuriaux. Il se poursuivait vers le nord, traversant la rue Saint-Loup et longeant l’impasse Molière pour rejoindre les fossés nord, où il se déversait. On peut penser qu’il était aérien, et que la voûte ne fut bâtie que plus tard, au moment où les maisons « type XIXème siècle » du quartier furent construites.
Peut-on le dater ? Cela nous paraît difficile. Sa construction est probablement antérieure à la Révolution, et serait à mettre au crédit de la famille André d’Aubière. Cependant, la fontaine est mentionnée dès le XVème siècle ; mais était-elle alimentée par un canal à cette époque ?...

© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière (Pierre Bourcheix)



Crédit Photos : Pierre Bourcheix

Le site exceptionnel des caves d’Aubière


Les caves d'Aubière
On y monte ?

Aujourd'hui, essentiellement situé sur le flanc sud de la vallée de l'Artière, le site des caves d'Aubière s'étend sur une superficie de plus de 3 hectares, où sont rassemblées plus de 800 caves ! Un site unique en Europe !
C’est la proximité de la nappe phréatique sous les maisons du bourg qui a conduit les Aubiérois à creuser leurs caves sur les coteaux nord et sud. C’est ainsi, qu’à Aubière, on « monte aux caves » !

Le site des grandes caves d'Aubière

Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/


Les premières caves souterraines

Dès la fin du 16ème siècle, il semble que les vignerons cherchent des solutions au stockage du vin. Il y a quelques années, on pensait encore que c’était la "Cave Madame" (ancienne cave du seigneur d’Aubière, aujourd’hui Musée de la Vigne et du Vin de Basse-Auvergne) qui avait donné à certains l'idée de creuser les coteaux qui enserrent le bourg d'Aubière, au nord et au sud. Mais des actes notariés nous ont appris que des caves existaient dès le 16ème siècle. Jusque là, les vignerons aubiérois devaient se contenter des caveaux ou des cuvages, à peine enterrés sous les maisons du bourg.
Si la plus ancienne cave datée porte l'année de 1742 sur son linteau, des actes notariés du 16ème siècle nous indiquent l'existence de plusieurs caves sur le flanc sud, dont la construction est de fait antérieure à 1600.

Extension du domaine des caves
C'est à partir du cadastre de 1831 que l'on se fait une idée de l'implantation progressive du domaine des caves que l'on connaît aujourd'hui.
Voici la situation géographique des diverses implantations de caves en 1831. On peut distinguer trois sites (en dehors de la Cave Madame et de quelques rares autres caves isolées) : les caves de la Croix de l'Arbre, rue Pasteur actuellement ; les Grandes Caves, de chaque côté de la rue des Grandes Caves ; les Petites Caves, de part et d'autre de la rue de Pérignat aujourd'hui.

Les caves de la Croix de l'Arbre (1831)
On dénombre 6 couloirs situés le long du chemin de la Croix de l'Arbre, au nord du bourg. Trois de chaque côté. Rien n'indique, pour aucun des sites, si toutes les caves ont été creusées ou si toutes les caves, à l'intérieur de chaque couloir, sont "habitées". D'une façon générale, il est, par ailleurs, difficile de savoir si chaque entrée de cave correspond à un "couloir", où sept à huit copropriétaires cohabitent chacun dans un caveau (ou salle), ou à une cave composée d’une seule salle.
Aujourd’hui, les caves sont concentrées à l’ouest de la rue Pasteur ; du côté est, une seule entrée de cave subsiste.

Caves de la Croix de l'Arbre, rue Pasteur

Les caves du coteau sud, où l'on distinguera les Petites caves et les Grandes caves. En 1831, le cadastre nous montre qu'il n'y a aucune construction de maison d'habitation entre la rue Jean Bart et la rue des Grandes Caves, le long de laquelle on compte seulement quelques maisons du côté est. Une ou deux maisons au début de la rue de Romagnat (côté ouest de la rue des Grandes Caves).

Les Petites Caves (1831)
23 couloirs sont indiqués rue de Pérignat, rue de Bacchus, le long et au sud des rues de la Biche, du Coq et du Cerf, et un dans ce qui sera la rue du Paradis, à peine ébauchée à partir de la rue de Pérignat. Aucune entrée de cave n'est indiquée dans la rue de Pérignat, au-dessus de la rue de Bacchus. Le Grand Corridor apparaît dans la rue du même nom.
Le Grand Corridor : ce large couloir est appelé ainsi car sa voûte centrale est supportée par de puissants et solides piliers cylindriques.

Le Grand Corridor

Les Grandes Caves (1831)
27 couloirs sont indiqués à gauche en montant la rue des Grandes caves, jusqu'au Chemin du Puy. Les caves de la Gaieté et du Thieu n'existent pas encore. Les caves sont toutes situées entre la rue de l'Adèle et le Chemin du Puy. La moitié est de la rue de l'Adèle n'est pas encore "habité". Une autre entrée de cave est signalée au niveau de la future rue du Paradis, en haut et légèrement à l'ouest de la future rue Saint-Marc. Cette cave, repérée aujourd'hui, cadastrée n°168, n'est constituée que d'une seule salle de plus de 100 m². (...)

Site des grandes Caves

Un site étonnant et méconnu
Immortalisées il y a un siècle par les photographes sur des cartes postales de plus en plus rares, les caves d'Aubière, creusées à la sueur des vignerons aubiérois, n'ont toujours pas révélé l'immensité de leur dédale au grand public.

On se presse aux portes des caves d'Aubière

Les anciens ayant vécu cette époque aimaient à rappeler que les caves d'Aubière étaient un des lieux de promenade dominicale des Clermontois depuis le milieu du 19ème siècle. Ils y venaient endimanchés, leurs dames vêtues de leurs plus beaux atours et coiffées de merveilleux chapeaux fleuris, une ombrelle protégeant des rayons du soleil la blancheur de leur peau. On flânait alors sur les dômes verdoyants des caves, surmontés de drôles de soupiraux, à l'ombre frémissante des églantiers et des amandiers.

Promenade dominicale sur les caves

Certains jours, comme durant la Fête de la Saint-Loup, les caves grouillaient d'une population hétéroclite venant se livrer à des libations bachiques : on mangeait l'oie arrosée d'un petit vin frais que les vignerons tiraient de leurs tonneaux dans la profondeur de leurs caves faiblement éclairées d'une chandelle vacillante. Tout ce monde se pressait aux portes des caves largement ouvertes ; on pouvait alors pour un sou, boire à satiété pendant une heure ; ou bien, pour quelques rondelles de petite monnaie, boire "à la saoulée".
Les soirs d'été, les vignerons, harassés par une longue journée de travail dans les vignes, se retrouvaient entre amis sur le faîte des caves pour déguster un petit bout de lard qu'ils mouillaient de quelques verres de vin, profitant de la fraîcheur du crépuscule naissant.

Un soir d'été sur les caves

Ils avaient déjà oublié comment leurs pères, pour stocker le vin produit par un millier d'hectares de vigne, avaient creusé les coteaux de la vallée de l'Artière. Dès le 17ème siècle, les vignerons faisaient appel à une technique de construction, hors du commun, apportée sans doute par les fameux maçons de la Creuse. Si certaines caves, très rares, furent creusées à même la roche, les autres caves adoptent deux autres sortes de technique.
  • La première : creusement du sol, construction des fondations sur lesquelles on installe le coffrage de la future voûte, des portes et de l'escalier d'accès. La voûte est ensuite maçonnée en ménageant une ouverture pour le conduit d'aération. Enfin, on rapporte la terre sur la voûte achevée.
  • La seconde semble la plus utilisée, comme l'attestent de nombreux actes notariés. Elle consiste à construire une voûte et un conduit d'aération à même le sol ; une fois l'escalier d'accès construit, on bâtit les parois du couloir et les portes. On extrait enfin la terre sous la voûte pour en recouvrir le faîte.

Aujourd'hui, les sites des caves (au nord comme au sud d'Aubière) sont en cours de réhabilitation par l’Association de Sauvegarde des Caves d’Aubière. La zone sud constitue un réseau d'environ 140 couloirs, le long desquels on dénombrait, il y a un siècle, plus de 900 caveaux ! De par son étendue, ce site est unique en Europe, et mérite de figurer au patrimoine de l'Auvergne.

© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière - Pierre Bourcheix
Crédits photos : Pierre Bourcheix

Voir Cahier n°2, « Aubière et le vin de la vigne à la cave », 1997

mercredi 25 janvier 2012

Le vol du Renard

Faits divers
Aubière : le vol du "Renard"
8 avril 1873


« Le nommé B… habitant d’Aubière, est prévenu de vol d’une somme de 480 fr. environ, commis au préjudice des époux T… ; ce chef d’accusation ne se trouvant pas suffisamment établi, n’est pas retenu par le tribunal. Mais B…, quoique n’ayant pas d’antécédents judiciaires, passe pour trop aimer les poules de ses voisins qui, à cette occasion, lui ont donné le surnom de Renard. Un témoin l’a vu et interpellé un jour qu’il était en train d’en recueillir une avec assez de soins dans une petite loge attenante à sa maison. En raison de ce fait, B… est condamné à un mois de prison et aux dépens. »

(Le Moniteur du 8 avril 1873 ; entrefilet recueilli par Pierre Bourcheix)

Le couvent de la Visitation

 La Visitation Sainte-Marie de Clermont

Monastère de la Visitation, miniature peinte à la main par Marie-Eugénie Decorps

L'ordre de la Visitation Saint-Marie a été fondé en 1610 par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal (grand-mère de Madame de Sévigné). L'histoire de l'ordre en Auvergne est contemporaine de cette fondation.
Tout commence par la vie édifiante de Anne-Thérèse de Préchonnet, fille de Gaspard Le Loup de Montfau, seigneur de Préchonnet et de Charlotte de Montboissier-Beaufort-Canillac. Son mari Gilbert-Alyre de Langeac, comte de Dallet, la maltraitait tant au physique qu'au moral (coups de plats d'épée ; menaces pendant le sommeil, le dit sieur se tenant à ses côtés avec des pistolets chargés et une épée nue…). La terreur qu'elle vivait, sans n’en aviser personne de peur des représailles, fut telle qu'elle demeura paralysée. Elle se fit porter en l'église d'Orcival afin d'implorer l'assistance divine. L'histoire dit que par le plus grand des hasards le mari s'y trouva au même moment. Caché derrière un pilier, il vit la profonde piété de son épouse et assista à sa guérison miraculeuse. Bien entendu, il fut pris de remords et regretta son attitude passée. (1)

Monsieur de Dallet quitta la vie terrestre assez jeune, et Anne-Thérèse put se livrer librement à une vocation monastique, fondant la Visitation de Montferrand dont elle fut plusieurs fois supérieure.

Anne-Thérèse de Préchonnet

Les visitandines de Clermont ont pour fondatrice la marquise de Saligny qui avait pressenti des religieuses de Bourbon-Lancy. Mais la ville de Clermont penchait plutôt pour les visitandines de Montferrand. Anne-Thérèse de Préchonnet, alors supérieure, présenta une requête à l'évêque pour appuyer ce choix, et la demande fut entérinée.
Elle nomma Anne-Charlotte Chaslus de Cordès comme supérieure, et le couvent de Montferrand alloua une somme de 18.000 livres cautionnée par Antoine de Gilbertes Chastelus, gendre de Madame de Préchonnet. Les religieuses s'installèrent cours Sablon, angle de la place Michel de l'Hospital à Clermont. Elles y restèrent jusqu'à la Révolution. Les bâtiments furent alors vendus comme biens nationaux.
Il faut attendre 1824 pour que les religieuses de la Visitation Sainte-Marie reparaissent à Clermont. Elles occupent alors l'ancien couvent des Jacobins. Ce sont ces bâtiments et leurs dépendances que représente une petite miniature peinte de la main de Jeanne Eugénie Decorps (en religion, sœur Marie-Alphonse) décédée le 3 juillet 1947 ; elle survécut longtemps à sa sœur, Marie Émilie Decorps (en religion, sœur Louise de Gonzague) décédée le 8 novembre 1898, également religieuse de la Visitation Sainte-Marie. Toutes deux étaient natives d'Aubière, filles de Pierre Decorps et d'Anne Breuly, petites filles de Guillaume Breuly, adjoint au maire, témoin au célèbre procès de 1841, faisant suite à la révolte des habitants d'Aubière et de Beaumont.

Émilie Decorps, en religion : sœur Louise de Gonzague

Jeanne Eugénie Decorps est l'instigatrice du mariage de son neveu Emmanuel Decorps avec Jeanne Jacquet, originaire du Bourbonnais et qui fut élève de l'école des sœurs de la Visitation dans la période 1890-1895.

Anecdote :
Au moment des lois de séparation de l'Église et de l'État (lois Combes), les sœurs qui ne pouvaient enseigner en portant l'habit religieux, décidèrent de partir (vraisemblablement en Italie). Mais ces braves religieuses n'étaient pas équipées pour les voyages. On leur prêta la valise qui avait accompagné son propriétaire lors de son service militaire de deux ans en Algérie. Et l'on vit un spectacle peu banal à la gare de Clermont : la mère supérieure marchant dignement avec la crosse suivie d'une religieuse portant fièrement une valise sur laquelle était inscrit : "1er Régiment de Tirailleurs Algériens".

Note :
(1) - Les relations de couple brutales hantaient décidément la famille : leur petite-fille Antoinette-Louise de Langeac était en procès en 1675 contre son mari François-Annet de La Rochebriant (petit-neveu de Gilbert de Jarrie d'Aubière et cousin germain de Gilberte de La Rochebriant) pour menaces, violences et voies de fait sur sa personne. Là, point d'histoire édifiante : il fut condamné, le 29 mars 1675, à ne pas troubler sa femme dans la jouissance de ses biens et à lui payer une pension annuelle de 800 livres. Et l'on attendit son décès, en 1684, pour baptiser ses enfants : 13 février 1685, baptême d'Amable Gilbert de La Rochebriant, comte de Cléravaux, fils à feu François Annet de La Rochebriant, comte de Cléravaux, et Antoinette-Louise de Langheat, parrain Gilbert de Chabannes, marraine Marie-Claire d'Esteinc ; l'enfant est âgé de 12 ans. Même jour : baptême de demoiselle Claude Gilberte de La Rochebriant, fille à feu François Annet, comte de Cléravaux et Antoinette Louise de Langheat, parrain Claude Alyre de Langheat, marraine Gilberte de La Rochebriant ; l'enfant est âgée de 10 ans.


© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière (GF)

lundi 23 janvier 2012

Rue Molière

Histoire des rues d’Aubière

Rue Molière

La rue Molière traverse d’ouest en est la partie nord de la garenne du seigneur et des jardins du château du XVIIIème siècle pour rejoindre la rue Saint-Loup.
Les jardins du château couvraient la surface encadrée aujourd’hui par les rues Saint-Loup, Champvoisin, de l’Hôtel-de-Ville et de la Paix.

Les jardins du château et sa fontaine
sur le cadastre de 1831


Jean-Baptiste Poquelin dit Molière

La Maison paroissiale, à l'angle de la rue Molière et de la rue de l'Hôtel-de-Ville

Impasse Molière

L’impasse Molière prolonge la rue Molière, à l’est de la rue Saint-Loup. Au fond de cette impasse, on peut apercevoir, sur la droite, une tour, vestige de l’ancienne enceinte du bourg.


© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière (Pierre Bourcheix)




Crédit Photos : Pierre Bourcheix

La fratrie Chalamaud

 Les Chalamaud ou la saga des tisserands

Les recherches provoquées par la question Chalamaud-Prugnat nous ont permis de mettre en lumière d’autres interrogations sur la fratrie Chalamaud. En particulier, sur l’ascendance de Charles.
Pour observer la fratrie Chalamaud, remontons une génération et analysons la descendance de ceux qui apparaissent comme le couple fondateur : Michel Chalamaud x Gabrielle Breuly.
Les homonymies, les doubles voire les triples lectures des patronymes, avaient créé un embrouillamini digne d’une grande énigme.
Si Michel Chalamaud était unanimement reconnu comme le père de Charles, l’existence d’une deuxième épouse de Michel, Anna Meynial, redistribuait les cartes… et la lecture des actes notariés s’imposait.

Un couple Michel Chalamaud – Gabrielle Breuly
Il est attesté en tout premier lieu par le contrat de mariage entre Clauda Chalamaud, première fille connue de Michel, et Jacques Planat, le 14 juillet 1621 (Me Aubény – 5 E 44 36 des AD 63) : « entre Jacques Planat, tixerand, et Clauda Charmeau, fille à Michel, tixerand, et Gabrielle Brolly ». Nos recherches pour trouver mention plus ancienne de ce couple sont restées vaines. Le mariage de Michel Chalamaud et de Gabrielle Breuly pourrait remonter au tout début du 17ème siècle.
Michel Chalamaud reste très discret, car nous ne lui connaissons officiellement ni parents ni frères ou sœurs. Il est la souche des Chalamaud d’Aubière. (1)
Quant à Gabrielle Breuly, elle est fille de Jacques et de Mariette (Marie) Fourcaud. Elle a pour frères et sœurs : Monde, mariée le 1er novembre 1609 (cm) à Georges Moinade ; Pierre, marié le 26 janvier 1614 (cm) à Catherine Martin ; Michel dit l’aîné, marié le 24 janvier 1617 (cm) à Marguerite Mascon ; Michel dit le jeune, marié le 19 janvier 1622 (cm) à Catherine Delaire (ou Blau ?) ; et Antoine, marié le 28 janvier 1623 (cm) à Gabrielle Ramain.
Mais apparaît Anna Meynial dans l’entourage de Michel Chalamaud, père de Charles…

Un couple Michel Chalamaud – Anna Meynial
C’est un fragment de quittance de 1662 qui nous révèle l’identité de la mère de Charles Chalamaud. Cette quittance faisait suite à un jugement au profit de Marie Gendre, veuve de Jacques Terrioux, contre Anna Meynial. Il est dit que « Anna Meynial est représentée par Charles Chalameau, fils et héritier de la dite Meynial, sa mère » (chez Maître Aubény, en date du 21 décembre 1662). Georges Fraisse complète le portrait de cette seconde épouse : « La dite Meynial est déjà veuve en 1629. En effet, dans un jugement du 19 octobre 1629 (Me Aubény – 5 E 44 45 des AD 63), entre Anna Meynial et Marguerite Legay, femme à Chatard Mallet, elle est dite veuve de Michel Charmeau. De plus, le titre d’un acte enregistré chez Me Aubény, le 17 février 1660 (5 E 44 76 des AD 63), nous donne une autre information : Transaction entre défunte Anna Maignal et Marguerite Legay ». Anne Maignal serait donc décédée entre le 19/10/1629 et le 17/02/1660.
Dès lors, il apparaît clairement que Charles Chalamaud, époux de Marguerite Prugnat, et Antoine Chalamaud, époux de Madeleine (ou Marie) Pérol, ne sont plus frères mais demi-frères.

Les enfants de Michel Chalamaud et Gabrielle Breuly
Là aussi, il nous a été nécessaire de dépoussiérer, car des homonymes apparurent bientôt comme des doublons, au fil de notre enquête et de nos déductions. Énumérons le résultat final :

•    Clauda Chalamaud, dont nous avons déjà parlé plus haut, qui semble l’aînée de la famille vue la date de son mariage avec le tisserand Jacques Planat : 14 juillet 1621. Sans descendance connue.
•    Pierre Chalamaud, lui aussi tisserand, épouse Anthonia Gioux, fille de Jehan et de Anna Cousserand, le 31 janvier 1638 (cm chez Me Aubény – 5 E 44 54). Sans descendance connue.
•    Michel Chalamaud, époux Jeanne Perol, tisserand comme il se doit, sur lequel nous nous arrêterons plus longuement ci-après.
•    Antoine Chalamaud, le tisserand que nous avons évoqué depuis le dernier numéro de « RACINES AUBIÉROISES ». Il est l’époux de Madeleine (ou Marie) Perol, fille de Gilbert, depuis au moins 1655, son premier enfant connu étant né en 1656. Il s’agit de Françoise (°13/05/1656 – parrain : Jean Derousse ; marraine : Françoise Tisseranges, épouse à Pierre Perol, frère de Madeleine ; + avant 1664). Puis, naîtront : François (x08/09/1683 à Louise Rouchaud ; +15/01/1694) ; Charles (°24/03/1658 – parrain : Charles Chalameau, époux de Marguerite Prugnat ; marraine : Jamette Perol, sœur de Madeleine, épouse à Antoine Jalut ; + avant 1664) ; Anne (épouse de Blaise Dégironde, tisserand ; +24/04/1705 – Témoins au décès : Jean Dégironde, Pierre Jalus, Michel Leclerc et Guillaume Montel) ; Guillaume (+12/08/1661) ; et Poncette (°16/09/1661 – parrain : Pierre Jarretoux ; marraine : Poncette Vidal, épouse à François Gioux ; x08/02/1678 à François Bayle – Témoins au mariage : Charles Chalameau, époux de Marguerite Prugnat, et Jacques Bayle, frère du marié).
•    Marguerite Chalamaud, citée dans le testament de Michel Charmeau, premier du nom, en date du 17 septembre 1641. Georges Fraisse précise : « la dite Marguerite ne pouvant pas travailler pour gagner sa vie », elle va rester une charge pour sa famille.
•    Michelle Chalamaud, elle aussi citée dans le testament de 1641. (2)

Michel Chalamaud, époux de Jeanne Perol, est un personnage un peu plus complexe, d’une part, parce qu’il avait un frère homonyme, marié à une Marie Perol ; d’autre part, parce que ces deux Michel avaient chacun un fils prénommé Pierre dont la différence majeure était le prénom de leur mère. Dans le doute, il nous fallait utiliser, comme le dit Georges Fraisse « le principe de la certitude probable » pour confondre Jeanne Perol et Marie Perol, et n’en faire qu’une seule et même épouse. Pour que le doute soit définitivement levé, il reste à s’assurer que Jeanne soit décédée avant 1652 (son absence dans les décès des registres paroissiaux après cette date, ne nous conforte que trop faiblement). Il faut ajouter que Michel décède le 2 février 1655 et laisse pour veuve, Anna Dauzon (3). Ce dernier mariage aurait pu avoir lieu entre 1652 (début des registres paroissiaux d’Aubière - la série du greffe commence en 1601) et 1655 (décès de Michel Chalamaud). (4)


Nous avons donc un Michel Chalamaud, époux, en premières noces, de Jeanne (ou Marie) Perol (dont nous ignorons l’ascendance ; est-elle sœur de Madeleine Perol ?) (5), et, en secondes noces, de Anna Cohendy-Daujau. Il n’aura pas d’enfants de ce dernier mariage. Notons seulement que Anna Cohendy-Daujau se remarie le 6 novembre 1657 (cm chez Me Aubény – 5 E 44 73 des AD 63 - entre Marthin Bufally ou Baujally ? maître tisserand d’Issoire, et Anna Daujon, veuve de Michel Chalameau, tisserand d’Aubière). Anna convolera une troisième fois, le 6 août 1663 (cm chez Me Aubény – 5 E 44 79 des AD 63 - entre Gilbert Jallat, fils de feu François, et Anna Dauzon, veuve de Mathieu Boujuly, tisserand). Nous verrons plus loin qu’une autre alliance entre les familles Chalamaud et Cohendy-Daujau aura lieu en 1659.
Le premier enfant connu de Michel Chalamaud est une Anthonia, née et baptisée le 22 novembre 1638, d’une mère non identifiée. Elle a pour parrain, Antoine Maubier, et pour marraine, sa tante, Anthonia Gioux, épouse de Pierre Chalamaud. De Jeanne Perol, trois enfants naîtront : deux filles, Michelle et Marguerite, citées dans le premier testament de leur père, Michel, du 5 janvier 1648 (chez Me Aubény – 5 E 44 64 des AD63), et dont on ne sait rien de plus ; et un fils, Pierre, né vraisemblablement vers ou avant 1645, puisqu’il a au moins 25 ans à son mariage en 1670. Ce Pierre Chalamaud, tisserand de son état, se marie quatre fois : le 4 décembre 1667 à Jeanne Tisseranges, fille de Michel et Marguerite Ceaulme (cm chez Me Dégironde) ; le 26 février 1670 à Marguerite Vaissair, fille de Guillaume et de Anthonia Thévenon (cm chez Me Aubény – 5 E 44 86) ; le 12 juin 1675 à Anna Daumas, fille de Pierre et de Monde Fosson (Témoins au mariage : Guillaume Beney et N. Tisseranges ; il y a aussi un cm du 30 mai 1675 chez Me Dégironde – 5 E 03 363) ; et enfin, le 13 août 1685 à Anna Martin, fille de ? (Témoins au mariage : Estienne Randanne (6), époux Jehanne Mazel, et Blaise Dégironde, époux Anne Chalamaud, fille d’Antoine et Madeleine Perol).

Rajoutons, à propos de Michel Chalamaud et de ses frères, que l’on trouve chez Me Aubény un partage du 18 novembre 1643 (5 E 44 59 – AD 63), « entre Michel et Antoine, son frère ». Ce qui pourrait laisser supposer que leur frère Pierre est décédé avant cette date. Michel teste une seconde fois, le 19 janvier 1655 chez Me Dégironde, dont je n’ai pas la référence.

Les enfants de Michel Chalamaud et Anna Meynial
•    Charles Chalamaud (+03/04/1687), époux de Marguerite Prugnat, fille de Guilhaume et de Jehanne Aureilhe. Nous avons noté parmi leurs enfants : Antoine (célibataire qui teste le 4 avril 1691 au profit de ses frères et sœurs ; +20/07/1691) ; Jeanne ou Anne (°25/01/1663 – parrain : Michel Jean Cohendy-Daujaux, fils de Michel, époux de Jeanne Chalamaud ; marraine : Jeanne Mour (?) ; x25/02/1691 à François Bourdier – Témoins au mariage : Michel Montel et Michel Page ; décédée le 13/07/1713) ; Pierre, dit « Pistolet », x10/10/1700 à Antoinette Chalamel, fille de feu Georges (cm chez Me Meynial à Clermont – 5 E 11 984 des AD 63) ; François dit l’ayné, baptisé le 06/08/1673 – parrain : François Baile ; marraine : Anne Chalameau ; x1 le 21/02/1696 à Gilberte Beaufort (+19/06/1701), fille d’Antoine et de Catherine Janon (cm chez Me Tiolier du 05/02/1695) ; x2 avant 1705 à Madeleine Fournet, veuve de Gabriel Pezant ; François teste chez Me Courtes, le 10/05/1724 et décède le 14/05/1724 ; François dit le jeune, x06/02/1708 à Louise Randanne, veuve de Michel Auteix (cm chez Me Tiolier) ; Annet (°31/05/1676 – parrain : Annet Baile ; marraine : Anne Daumas, épouse de Pierre Chalamaud) ; Anne x12/01/1700 à Guillaume Martin, fils d’Antoine et d’Agnès Pezant (cm du 10/01/1700 chez Me Tiolier) ; et Poncette (°05/12/1681 – parrain : François Chalameau ; marraine : Poncette Chalameau).
•    Jehanne Chalamaud, x10/01/1659 à Michel Jean Cohendy-Daujau (+04/04/1695), fils à feu Michel (cm chez Me Aubeny – 5 E 44 75 des AD 63, où Anne Meynial est dite décédée). Jeanne décède le 14/09/1671, et laisse pour enfants : Jean (°13/09/1659) et Marguerite (°14/11/1662 – parrain : Martin Dautour ; marraine : Marguerite Prugnat, épouse Charles Chalamaud).

Curieusement, on ne remarque aucune mention de la profession de tisserand dans la descendance d’Anne Meynial, comme si le changement d’épouse modifiait le statut de la famille… Cela nous donne l’occasion d’observer le milieu des Chalamaud durant ce XVIIème siècle à Aubière.

Endogamie chez les tisserands
Et les Chalamaud sont des tisserands. Au moins au départ.
•    A Aubière, si l’on étudie le patronyme chronologiquement, c’est Aimard (ou Léonard ?) Chalamaud qui se présente à nous en premier. Il s’est marié en 1593 par contrat avec Gilberte S… ?, la veuve d’Annet Labbat, tisserand de son état. Son fils, Pierre Labbat natif d’Aubière, est également tisserand à Montferrand en 1613, lorsqu’il vend un chezal (Desplats, notaire à Montferrand, - 5 E 37 455) à Michel Dégironde le jeune d’Aubière.
•    Michel Charmeau (patronyme qui se changera en Chalamaud), le père de tous les Chalamaud d’Aubière, est aussi tisserand. Il pourrait être le fils ou le frère du précédent Aimard. Et tous ses fils du premier mariage avec Gabrielle Breuly, deviendront eux aussi tisserands :
•    De Pierre (x Anthonia Gioux) à Antoine (l’époux de Madeleine Perol) en passant par Michel (x1 Jeanne Perol ; x2 Anna Dauzon), tous affichent la profession de tisserand. Même leur sœur aînée, Clauda, se marie en 1621 à un tisserand, Jacques Planat.
•    A la génération suivante, la tradition familiale est respectée, chez les enfants de Michel Chalamaud et de Jeanne Perol d’abord : Pierre, le seul fils connu, est tisserand, et son premier mariage est « arrangé » dans le milieu de la profession. Du 04/12/1667 (cm chez Dégironde), il est conclu avec Jeanne Tisseranges, fille d’un tisserand, Michel x Marguerite Sceaume.
•    Les filles d’Antoine Chalamaud et de Madeleine Perol ensuite :
1.    Anne est l’épouse de Blaise Dégironde, qui exerce la profession de tisserand ;
2.    Poncette est l’épouse de François Bayle. Tisserand, François Bayle ? Non, mais sa famille gravite autour des tisserands. Sa mère, Antoinette Prugnat, n’est-elle pas la sœur de Marguerite Prugnat, épouse de Charles Chalamaud, fils et frère de tisserands ? La sœur de François Bayle, Agnès, n’est-elle pas l’épouse de Victor Tisseranges, issu d’une famille de tisserands et tisserand lui-même ?

Cela nous amène à élargir notre angle de vue sur ces familles. Au cours du XVIIème siècle - pour ne pas poursuivre plus loin notre enquête – nous remarquons que toutes les familles de tisserands se retrouvent au fil des alliances. Elles étendent même leurs ramifications à l’intérieur d’autres corporations « voisines », telles que les tanneurs, les peigneurs de chanvre ou les tailleurs d’habits, tutoyant à la marge les marchands de draps…
Les tisserands sont les plus nombreux. Nous trouvons les Barrat, Bordesolle, Bouchet, Brugière, Chalamaud, Dégironde, Deroche, Dumayet, Gardette, Giraudel, Guillaume, Jallat, Jallut, Labbat, Perol, Planat, bien sûr les Tisseranges, et les Vinaize.
Parmi les tailleurs d’habits, on trouve les familles Aubény, Blanc, Bourrand, Deffarges, Gioux, Janon, Martin, Montel, Oby, Thévenon et Villevaud.
Un seul tanneur recensé à Aubière : Beaufort (7) ; un seul peigneur de chanvre : Bouchet, mais il est aussi tisserand.

Antoine Beaufort, l’unique tanneur, est l’époux de Catherine Janon, fille et petite-fille de tailleurs d’habits. Le père de Catherine, Pierre Janon, est en effet marié à la fille d’Etienne Bourrand, tailleur d’habits (x Jeanne Oby, dont un des frères, Blaise Oby, est également tailleur d’habits, et dont l’une des sœurs, Catherine Oby est l’épouse d’Antoine Deroche, tisserand). La fille d’Antoine Beaufort, Gilberte, est l’épouse de François Chalamaud l’aîné, fils de Charles et Marguerite Prugnat.

Le peigneur de chanvre et tisserand, Amable Bouchet, est marié à Madeleine Chalameau, fa de Pierre (x Anne Daumas), lui-même fils de Michel x Jeanne Perol. Amable Bouchet aura un fils tisserand, Giraud, et une fille, Jeanne, qui épousera un tisserand, Etienne Boisseyre. Giraud Bouchet est l’époux de Gilberte Montel, fille et petite-fille de tailleurs d’habits. La sœur de son grand-père, Françoise Montel, épouse un tisserand, Pierre Brugière. De plus, l’oncle de Gilberte, François Montel, est également tailleur d’habits, dont le fils, Antoine Montel, est l’époux de Louise Giraudel, issue d’une longue lignée de tisserands : Michel, son arrière grand-père, marié à Pinelle Sceaume ; Bonnet, son grand-père, époux de Michelle Bourcheix ; et enfin, son père, Guillaume Giraudel. La mère de Louise, Michelle Fallateuf, est l’arrière petite-fille d’Antoine Deroche, tisserand, dont on a parlé plus haut.

Le tisserand, Antoine Jallut, est marié à Jacquette Perol, sœur de Madeleine, l’épouse d’Antoine Chalamaud, fille de Michel. Leur frère, Pierre Perol, également tisserand, est l’époux de Françoise Tisseranges, fille et petite-fille de tisserands. Son grand-oncle, François Tisseranges (x Agnès Brunel) aura un fils, Michel (époux de Catherine Villevaud), tisserand ; tout comme le sera son fils Michel (époux de Marguerite Sceaume, dont la fille, Jeanne, épousera Pierre Chalamaud, fils de Michel et de Jeanne Perol). Pour finir, Anthonia Tisseranges, fille de Michel et de Catherine Villevaud, épousera un tisserand : Charles Dumayet.

La boucle, comme vous le constatez, est infinie. Sera-t-elle un jour bouclée ?…


Notes :
1 - Il me faut signaler cependant l’existence d’un Aimard (ou Léonard) Charmeau (ou Chalamaud), maçon de son état, qui épouse par contrat, le 1er avril 1593 à Aubière (Me Aubeny, notaire), Gilberte S… ?, veuve d’Annet ou Etienne Labbat (ou Labber), tisserand. Cet Aimard pourrait être le père ou… le frère de Michel Chalamaud (à suivre ?).
2 - Cette Michelle Chalamaud pourrait être la mère de Jeanne Verdier, née le 25 mai 1656 à Aubière, fille de Michel Verdier et de Michelle Chalameau (parrain : Guillaume Chalameau ; marraine : Jeanne Chalameau). A vérifier…
3 - Pour Georges Fraisse, le testament de Michel Chalameau, du 6 janvier 1655 chez Me Dégironde, apporte certaines précisions : Anne Dauzon est bien son épouse en 1655 ; Michel a un fils, Pierre, encore mineur, dont la mère est défunte Jehanne Perol ; il nomme Antoine Chalameau son frère, « à la charge de tutelle et administration de la personne et biens dudit Pierre son fils ».
4 - Ici, nous voulons parler des Registres Paroissiaux des Archives communales d’Aubière, dont nous avons copie, et qui débutent en 1652.
5 - Nous avons privilégié le prénom « Jeanne », plus cité que celui de « Marie », mentionné une seule fois.
6 - Estienne Randanne est cousin germain de Marguerite Prugnat x Charles Chalamaud. Il est aussi le beau-père de François Chalamaud le Jeune, fils à Charles.
7 - Notons cependant que le fils du tailleur d’habits, Etienne Bourrand (x Jeanne Oby), François Bourrand le jeune est x à Isabeau Sazy, fille d’Antoine, marchand (x Jeanne Brauche), lui-même fils d’Antoine (x Isabeau Martin) qui exerce le métier de tanneur à Ardes sur Couze.


© Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix

mercredi 18 janvier 2012

Antoine Pezant, l'empereur du dahlia


C’est à Aubière, entre la rue du Chambon et l’Artière, que Antoine Pezant, dit Antonin, installa ses champs de semis de dahlias, qui feront de lui un personnage hors du commun et mondialement connu dans la sphère de l’horticulture. Voici comment le quotidien La Liberté du 25 février 1954 présentait Antoine Pezant et son exploitation :

Extrait de La Liberté du 25 février 1954

Des racines aubiéroises

Même s’il s’est marié à Maringues, le 9 septembre 1905 avec Jeanne Passemard, et même s’il est né à Chamalières, le 25 octobre 1877, les racines d’Antoine Pezant sont en grandes parties aubiéroises.
De ses ancêtres patronymiques, nous ne connaissons que quatre générations : Jean Pezant (° ca1761) marié à Michelle Chanteloze ; Guillaume Pezant, tailleur d’habits, (°30/01/1788 à Clermont-Ferrand ; +31/10/1846 à Aubière) x08/07/1813 à Aubière avec Marie Fineyre ; Antoine Pezant, fournier, (°11/02/1823 à Aubière ; +07/10/1879 à Aubière) x08/02/1849 à Aubière avec Marie Cohendy ; et François Pezant, cultivateur, (°02/02/1850 à Aubière) x18/11/1876 à Chamalières avec Marie-Antoinette Bourcheix.

Le premier légionnaire aubiérois
Les parents d’Antoine (François Pezant et Marie-Antoinette Bourcheix) sont cousins issus de germains. La grand-mère paternelle de Marie-Antoinette, Marie Pezant, est en effet la sœur de Guillaume, le grand-père de François Pezant.
Marie Pezant a épousé le 8 juillet 1815 à Aubière, Antoine Bourcheix (°06/12/1788 Aubière, fils de Annet et Antoinette Jalut). Ce jour-là, qui voit le retour à Paris de Louis XVIII pour la seconde Restauration, Antoine Bourcheix arbore fièrement sur la poitrine sa médaille de la Légion d’Honneur.

Il l’a reçue des mains de Napoléon 1er lui-même au lendemain de la Bataille de Dresde en août 1813 ! Blessé lors de cette bataille, déclaré invalide militaire, Antoine est alors le premier Aubiérois à avoir reçu cet honneur.

Son fils, Étienne Eugène Bourcheix, né le 28 septembre 1830 à Aubière, deviendra employé du Télégraphe et devra quitter Aubière. Sa première épouse, Michelle Vigier, lui donnera, le 2 juillet 1859 à Clermont-Ferrand, Marie-Antoinette Bourcheix, l’épouse de François Pezant. Antoine Pezant, dit Antonin, naîtra de l’union de ces derniers à Chamalières, moins d’un an plus tard, en octobre 1877.

François Pezant, père d'Antoine (Collection Michel Pezant)
Marie-Antoinette Bourcheix, mère d'Antoine (Collection Michel Pezant)

Un œillet pour commencer…
Marié à Jeanne Passemard en 1905 à Maringues où naissent ses fils, Antoine Pezant s’installe peu après à Aubière où il crée son entreprise d’horticulture.

Il commence à se faire un nom grâce à l’œillet, pour lequel il obtient un grand premier prix. Le journal L’Avenir signale ses débuts en écrivant que la culture des œillets confère déjà au jeune et infatigable horticulteur d’Aubière, M. Pezant, une réputation enviable.

Dès 1910, alors qu’il vient de créer son établissement horticole, ses dahlias de toutes sortes lui procurent une première récompense : un diplôme de médaille d’or (concours de la Société d’Horticulture et de Viticulture du Puy-de-Dôme du 7 août 1910 à Clermont). Ainsi, débute pour Antoine Pezant une longue série de récompenses horticoles. Au concours suivant, la presse l’encense.

Le rapport de la Société d’Horticulture et de Viticulture du Puy-de-Dôme de 1911 souligne que dans le même temps que tant d’horticulteurs diminuent leurs exploitations ou disparaissent, Antoine Pezant à Aubière transforme et étend ses cultures. Dans la foulée, il obtient un diplôme d’honneur au Palmarès de 1912.

Comment Antoine est-il devenu horticulteur, dans une ville où le seul arôme que l’on respirait était celui du vin ?
« C’est parce que j’aimais les fleurs, se confiait-il. Tout enfant, mon père m’avait laissé un petit bout de jardin que je cultivais en fleurs, ce qui me procurait un peu d’argent de poche. C’est insensiblement et sans m’en rendre compte, que je suis devenu horticulteur, disons le mot : par vocation. J’ai fait mon apprentissage moi-même, sans études spéciales, quoique je sois sorti de l’École professionnelle avec le premier prix d’honneur ».

La rue du Dahlia
Il s’installe dans une petite maison, rue Saint-Loup à Aubière. En face de sa maison, une petite rue conduit jusqu’à la Tour Rossignol. C’est dans cette rue qu’Antoine Pezant a sa grange, qui devient son premier lieu de vente. On s’y précipite de toute la région pour y admirer ou acheter ses œillets ou ses dahlias qui font sa renommée.
Et cette petite rue s’appellera rue du Dahlia, dès 1953.

Après la Grande Guerre, où il est blessé en janvier 1916, Antoine Pezant revient à ses fleurs et à ses semis. Régulièrement, comme il le faisait depuis de longues années, il prend des notes de cultures dans un petit cahier. Il y traite de tout, non seulement des fleurs mais aussi des arbres, fruitiers ou non, de la vigne, des divers engrais nécessaires ou autres recettes contre les maladies des plantes… Voici quelques titres trouvés au fil des pages : Greffage du rosier, greffage du lilas, greffage de l’abricotier, de l’amandier, du cerisier, du châtaigner, de cognassier, du noyer ou du pommier ; greffage en fente, greffe en fente terminale, greffe en fente sur bifurcation de la vigne, greffage à l’anglaise, greffage en écusson ; Préparation des greffons, écussonnage en pépinière, écussonnage à œil poussant ou dormant ; taille du rosier ; culture en pot du rosier ; fécondation artificielle des roses ; émondage des églantiers tiges ; le blanc des rosiers ; forçage du rosier en pot ; bouturage des rosiers ; culture en pot des œillets ; semis des œillets ; culture en pleine terre des chrysanthèmes décoratifs ; greffage du chrysanthème ; formules d’insecticides (à base de jus de tabac et d’alcool à brûler) ; destruction des limaces ; le sulfate d’ammoniaque comme engrais ; la valeur des différents fumiers et leur emploi (il cite ainsi par ordre de valeur : la colombine de pigeon, de volaille, de lapin, le fumier de chèvre et de mouton, d’âne ou de mulet, enfin, le fumier de cheval, de cochon et de vache) ; recette contre le puceron ou contre le blanc des rosiers ; culture des giroflées de Nice ; emballage des fleurs de dahlias ; serres et châssis ; culture du gerberas ; culture de la verveine des Indes ; l’hybridation en horticulture ; culture de l’asperge ; taille des arbres fruitiers ; mise à fruits des arbres ; hivernage des pieds mères de chrysanthèmes ; hivernage des tubercules de dahlias ; ou encore la fabrication du vin de paille…

Président de « La Gauloise »
En 1923, Antoine Pezant fait partie de l’équipe de football d’Aubière avec Cl. Montagnon, Chapon, Chauvet, Vialette, J. Montagnon, Vacheron, Andanson, Moins, Decorps et Fournel. Comme tout Aubiérois qui se respecte à cette époque, Antoine adhère à une société de musique. Il choisit La Gauloise dès son arrivée à Aubière. En 1924, il est hissé à la présidence, à la suite du décès d’Alfred Gioux. Voici quelques extraits d’un des discours qui ponctuent son élection, celui de Monsieur Bernard, trésorier de La Gauloise : « … Il y a une quinzaine de jours, la commission administrative se réunissait à l’effet d’élire un nouveau président, et aux acclamations générales M. Pezant était désigné.
Ce choix a été particulièrement heureux, il a été accueilli avec une égale approbation par la Société et par la population qui s’intéresse vivement à son existence.
Né d’une famille aubiéroise, M. Pezant vint à l’âge d’homme s’établir à Aubière.
Très doué au point de vue musical, il entra de suite à
La Gauloise, certain d’y trouver la satisfaction de ses goûts artistiques, certains aussi d’y rencontrer de véritables amis.
C’est à son modeste pupitre de musicien que ses amis sont venus le prendre pour l’élever à la présidence.
Vous le savez tous, avec les ressources de son travail et de son intelligence, il a fondé à Aubière un des établissements les plus florissants de la région dans l’art horticole.
Nous sommes assurés que M. Pezant mettra au service de sa Société une bonne partie de l’activité et de la volonté déployées dans la création de sa maison commerciale.
L’année dernière, dans une réunion de famille, nous aimions à rappeler les souvenirs qui nous unissaient aux anciens Présidents dont les portraits ornent cette salle. Aujourd’hui nous venons saluer un nouveau venu, c’est le portrait de M. Ebely.
Vous l’avez tous connu, celui-là fut un modeste, mais il fut un des meilleurs serviteurs de
La Gauloise, nous serons heureux et fiers de voir désormais ses traits ici, devant son image les anciens se souviendrons, les nouveaux le prendront comme modèle. »
Antoine Pezant deviendra aussi bientôt adjoint au Maire d’Aubière.

Antoine Pezant, « maître es dahlia »
Pendant de longues années, avec un acharnement et une persévérance peu commune, Antoine Pezant, son fils Jean dans ses pas, multiplie les semis de dahlias afin d’obtenir le plus gros, le plus beau ou le plus coloré des dahlias. Durant toutes ces années, il parcourt la France de long en large, d’exposition en Congrès nationaux ou internationaux, se présentant à tous les concours, trustant les prix, lorsqu’il n’est pas déclaré « Hors concours » comme ce fut souvent le cas.
En 1931, Antoine Pezant était devenu président de la Section du Massif Central de la Société Française du Dahlia.

Un « inventeur de fleurs »
Entre 1939 et 1946, ses expositions se cantonneront à Clermont-Ferrand. En 1947, il est à Vichy ; en 1948, à Nevers ; 1949, à Clermont-Ferrand ; 1950, à Bourges … Angers en 1952 … Bourges en 1959 … Dijon en 1961 … Sélestat en 1962… Chaque fois, Antoine Pezant et son fils Jean décrochent un ou plusieurs prix et nombreuses de leurs créations sont certifiées !

La renommée des Établissements Antoine Pezant et fils ne se dément pas au fil des années. Ces « inventeurs de fleurs » créent des dizaines de nouvelles variétés, dont voici quelques exemples de dahlias : … Deuil de Clémenceau, Madame Jeanne Pezant, Madame Georges Pezant, Ville de Clermont, Souvenir de Marcel Michelin, Coquetterie, Légionnaire Antoine Bourcheix, Madame Philomène Spizzi, Ville d'Aubière, Louise Pezant, Royal d'Aubière, Jean Pezant, Neige Aubiéroise, Souvenir Antonin Chastel, Abbé Rajek, Madame Chassaigne, Mlle Yvonne Chaize, Madame Jean Pezant, Zoo de Mulhouse, Dentelle d'or, Candeur Auvergnate, Le Gaulois, Chanturgue…
« Aviateur Pezant » (création Pezant de 1964) était d’ailleurs une variété de dahlia encore recherchée en 2006 par la Société Française du Dahlia.

Antoine Pezant, à gauche, parmi ses semis, dans ses jardins d'Aubière

La presse se fait régulièrement l’écho de leurs succès, autour desquels d’autres Aubiérois commencent à s’illustrer :
« Dimanche dernier dans le hall du champ de foire de Nevers se sont déroulés l’exposition de la société d’horticulture de la Nièvre et congrès national du Dahlia.
Il n’est pas trop tard pour signaler le succès sans précédent remporté par les horticulteurs clermontois qui ont obtenu les prix les plus importants alors que cependant on comptait au nombre des exposants les plus réputés parmi les spécialistes horticoles de France.
C’est ainsi que M. Pezant, d’Aubière, a été gratifié du 1er prix attribué aux professionnels, de même dans la catégorie amateurs MM. Girard et Groslet de Clermont ont remporté de haute lutte la première place.
En ce qui concerne les collections de Dahlia Cactus, le 1er prix revient encore à M. Pezant pour les professionnels et à MM. Girard et Groslet, pour les amateurs, le 2ème prix étant attribué à M. Ladin également de Clermont.
M. Pezant obtient la deuxième place professionnels pour la collection de Dahlias décoratifs alors que le 1er prix amateur a été décerné à M. Ladin et le 2ème prix à MM. Girard et Groslet.
De même le 1er prix professionnel pour la plus belle collection de nouveautés françaises a été accordé à M. Pezant et la plus haute récompense pour les amateurs était donnée à MM. Girard et Groslet et le 2ème prix à M. Ladin.
La médaille d’argent du Ministère de l’Agriculture a été remise à M. Pezant, tandis que les principales récompenses offertes aux amateurs par la société d’horticulture de la Nièvre par la Fédération des syndicats d’exploitants et par la chambre de Commerce de Nevers étaient l’apanage de MM. Girard et Groslet et de M. Ladin.
Nous sommes particulièrement heureux d’adresser à nos horticulteurs clermontois nos plus vives félicitations pour ce magnifique succès
» (L’Éclair du 25 septembre 1948).

Aubière
capitale internationale du dahlia
nos compatriotes du dahlia à l’honneur

« Durant trois jours, dans le cadre reposant du Jardin des Plantes de Clermont-Ferrand, nous avons pu admirer la magnifique exposition du dahlia, organisée par la Société d’Horticulture.
Chaque Aubiérois a pu ressentir un moment de fierté devant les belles et incomparables présentations de notre compatriote Antoine Pezant, dont les multiples variétés s’harmonisaient dans un arc-en-ciel merveilleux. Aux superbes récompenses obtenues à l’Exposition internationale du Dahlia à Moulins, où M. Pezant reçu la coupe d’honneur offerte par M. le Président de la République ; à Clermont-Ferrand, où M. le Sénateur-Maire, après avoir dit dans son allocution toute sa sympathie, son admiration et son amour des belles fleurs, remit au lauréat la coupe offerte par la municipalité clermontoise, nous apportons à celui qui a fait d’Aubière la capitale internationale du dahlia, l’expression des sentiments qu’éprouve l’âme de ses compatriotes, quand elle est frappée par les caractères du beau.
Toutes nos félicitations au jeune et sympathique Jacques Jantzen qui, suivant les traces du maître incontesté, saura maintenir, par sa ténacité au travail, son ardeur juvénile et son goût, une tradition heureuse. Ses magnifiques présentations, appréciées des membres du jury, lui ont valu, à Moulins et à Clermont-Ferrand, les plus belles récompenses
» (La Montagne du 20 septembre 1956).

Antoine Pezant (premier à partir de la gauche) dans une cave d'Aubière

Au terme de sa carrière particulièrement bien remplie, voici comment Antoine Pezant jugeait lui-même son métier et son parcours :
« … je ne regrette rien. Notre métier est passionnant, s’il n’enrichit pas son homme. J’ai eu, à côté de bien des déboires, des satisfactions d’amour-propre. J’ai toujours été optimiste, j’ai toujours pris la vie du bon côté. Cela sert quelquefois. Chez nous, c’est comme partout : il faut aimer son métier. Si l’on peut obtenir des résultats, il faut s’imposer des sacrifices. Mais, quand on a obtenu une belle variété, quelle satisfaction !
Imagineriez-vous que, dans un semis de 4 à 5.000 plants (c’est à peu près ce que je fais toutes les années) il n’y a pas une fleur qui ressemble à sa voisine ? Le dahlia est perfectionnable à l’infini, comme forme et comme coloris. C’est ce qui m’a poussé à chercher, à produire et à me spécialiser dans la recherche de la nouveauté. De par la réputation que je me suis faite, je suis tenu de faire quelque chose de très beau. Mais il faut bien 4 ou 5.000 plants avant d’obtenir une belle variété.
Le dahlia est une plante qui mérite d’être plus connue. J’ai fait ce que j’ai pu dans ce sens.
J’ai écrit dans des revues, françaises et américaines. Je suis rapporteur, tous les ans, au congrès de la Société française du Dahlia. Cela me prend un peu de temps, mais il faut mettre son goût sur quelque chose.
En plus du dahlia, je fais aussi beaucoup de chrysanthèmes, des œillets. Il faut bien faire bouillir la marmite. Mais ma grosse affaire, ce sont les plantations de dahlias. Il ne nous faut pas du reste compter commercialiser avant 5 années d’études ou de travail. Cela n’arrive pas à nous couvrir de nos frais.
Quand j’ai obtenu de bonnes variétés, je les fais connaître par le moyen des catalogues et des expositions, et je les mets en commerce. Mais je ne dispose pas de la publicité nécessaire pour vendre suffisamment. Je suis désavantagé par rapport aux grosses maisons qui, disposant d’une large diffusion, vendent par centaines, par milliers de plants.
J’expose un peu partout. C’est ainsi que je fais connaître mes nouveautés et que je rentre dans une partie de mes frais. J’ai expédié des dahlias dans toutes les parties du monde : à Sydney, à Toronto, à Buenos-Aires, dans le Levant, à Addis-Abeba, etc. En 1952, j’ai été en tête du concours international organisé par le jardin d’essai de la Société royale belge du Dahlia, à Linkebeck, avec 96 points sur 100.
Quand j’ai commencé, on ne connaissait guère que le dahlia simple. Maintenant, il y a un nombre infini de variétés, de toutes formes et de tous coloris.


Dahlia cactus

J’ai passé par des périodes de découragement, au début, mais j’ai persévéré. Stimulé par le résultat de mes premiers semis, j’ai continué mes recherches, et j’ai eu bien des satisfactions. Le plus gros dahlia du monde est sorti de chez moi. Mes variétés figurent sur tous les catalogues français et étrangers. Mais, à côté des satisfactions, que de déceptions ! Cela n’empêche. Je ne regrette pas de m’être engagé dans cette voie. Notre plus grande joie, c’est de faire connaître à ceux qui les ignorent les dahlias, comme à l’exposition de 1953 à Thiers, où 1.500 visiteurs ont été stupéfaits de découvrir des dahlias d’une beauté qu’ils ne soupçonnaient pas. Cela dédommage de bien des sacrifices et de bien des déboires ».

© Cercle généalogique et historique d’Aubière – Pierre Bourcheix