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vendredi 30 décembre 2011

Introduction au vignoble

Introduction au vignoble du Puy-de-Dôme
ou l'Histoire du vignoble auvergnat raconté par un cep...


Notre ère avait trois siècles lorsque mes ancêtres, les ceps de vigne, arrivèrent en Terre d'Auvergne. Bien après les légions romaines, ils pénétrèrent en conquérants dans ce pays de cocagne, riche d'une forte population, d'une plaine aux sols féconds, la Limagne, de multiples coteaux, exposés à l'est, propices à la multiplication de leurs racines.
Bien qu'escaladeurs alertes et expérimentés, ils choisirent de se rapprocher de leur terre promise par des chemins plus faciles, afin de préserver leurs forces pour l'ascension finale. C'est ainsi qu'empruntant les vallées de la Loire, de la Dore et de l'Allier, ils s'infiltrèrent rapidement dans l'Arvernie, abandonnant au passage aux Monts du Forez et du Livradois quelques légions de leurs congénères. Ces dernières devaient assurer l'arrière-garde dans l'éventualité d'une retraite précipitée.
Déjà ils apercevaient, à l'ouest, cette impressionnante barrière volcanique constituée de la chaîne des Dômes et des Monts Dore. Devant eux s'étendait la Limagne, longue plaine étirée du nord au sud, couverte de cultures diverses, preuves de sa grande richesse.

La conquête
Les ceps s'implantèrent alors rapidement. Sautant l'Allier, traversant la Limagne, ils s'accrochèrent fièrement à ces pentes accueillantes aux sols marno-calcaires, parfois enrichis de débris basaltiques. Du nord de la ville de Riom jusqu'au sud d'Issoire, les flancs des coteaux furent soudain envahis de légions de ceps progressant en rangs serrés vers les sommets où le climat rude stoppa leur avance.
L'Arvernie était conquise. Allait commencer une longue histoire d'amour entre ce peuple de ceps et une région pleine de contrastes. C'est cette histoire que je vais vous conter, moi, petit cep, planté il y a quelques dizaines d'années sur les coteaux du Puy d'Aubière, surplombant Clermont-Ferrand, ville-capitale de cette belle province.

Le peuple des Ceps
Le premier contact de mes ancêtres avec la Terre d'Auvergne fut très encourageant. Non seulement les Auvergnats acceptèrent cette intrusion, mais ces envahisseurs de ceps furent très vite adoptés, cajolés, choyés à qui mieux-mieux. Il était réconfortant de voir ces hommes courtauds, à l'air farouche, aux mains calleuses, larges comme des battoirs, passer leurs journées courbés en deux entre les rangs de ceps. Pour passer le plus dur de l'hiver, ils avaient pris soin de creuser une rase au milieu des rangs et de recouvrir les pieds des ceps avec un peu de terre afin qu'ils résistent au froid. Plus tard, de leurs gros doigts, ils saisissaient tendrement les sarments pour les courber, en prenant bien soin de ne pas les casser, puis les attachaient délicatement sur des piquets de bois qu'ils nommaient échalas. Le moment le plus agréable n'était-il pas celui des vendanges où toute la famille, femmes, enfants, amis, voisins venaient s'égayer parmi les ceps pour cueillir en chantant leurs grappes noires et pulpeuses. Le don de leurs fruits était pour les ceps le moyen de remercier ces hommes des fatigues endurées depuis de longs mois. L'entente entre le peuple des ceps et celui des Auvergnats semblait établie à jamais…

Au IXe siècle, les Barbares
Mais d'autres envahisseurs, attirés par la richesse de ce pays, allaient bouleverser cette union. Jusqu'au IXème siècle, des hordes de Barbares ravagèrent l'Auvergne à de nombreuses reprises. Chaque fois, mes ancêtres furent saccagés, massacrés, déracinés. Les Auvergnats fuyaient devant tant de fureur, abandonnant les ceps survivants au chiendent et aux ronces. Après chaque invasion, ils revenaient pour défricher et replanter. Mais leur courage faiblissait et le peuple des ceps se fit moins dense sur les coteaux d'Auvergne.

A l'abri de petits clos…
Cependant, les premiers siècles du deuxième millénaire furent plus cléments, et avec la paix revenue, les ceps purent s'étendre à nouveau. Le vignoble d'Auvergne atteignait une superficie sensiblement identique à celle qui existait au terme du premier tiers du XXème siècle, soit 11.000 hectares environ. Les coteaux au nord de Clermont, de Gergovie, du Crest et du Broc (au sud d'Issoire) étaient entièrement recouverts de ceps. L'étendue des parcelles variait entre 30 et 80 ares et elles étaient souvent entourées de petits murets. Ces petits clos se trouvaient parfois à l'abri d'une église ou d'une maison.

Déjà, la polyculture
Au moyen âge, le vignoble était la propriété des monastères, des églises, de la noblesse mais aussi d'hommes libres ni nobles ni clercs. Ceux-ci travaillaient eux-mêmes la vigne, ainsi que cela se passait aussi dans certains monastères. Mais la plus grande partie du vignoble était travaillée par des colons ou des fermiers, car les serfs étaient rares. La polyculture expliquait déjà le morcellement et la petitesse des parcelles.

Les "auvernats"
L'encépagement est uniforme. En effet, au fil des siècles, la race des ceps a évolué en s'adaptant aux contingences climatiques et géologiques de l'Auvergne. Mes ancêtres s'appelèrent donc les auvernats. Bien qu'originaire de régions viticoles situées plus à l'est, Bourgogne ou vallée du Rhône, ce cépage pinot noir a adopté la nationalité arverne. Il donnait un vin de bonne qualité, ce qui permit au vin auvergnat d'obtenir une grande renommée.

Bans des vendanges et qualité
Cette recherche de la qualité est confirmée à la fin du Moyen Age par la codification des bans des vendanges, en usage depuis déjà longtemps, permettant d'obtenir une récolte plus mûre, et, par là même, de meilleures redevances pour ceux qui percevaient des droits sur les récoltes. Le commerce du vin est déjà aux mains des courtiers qui approvisionnent les régions de montagne, dépourvues de vignobles. Le soin du vin est dévolu aux cellériers, dont sont pourvus les couvents, les châteaux et les municipalités. Ces maîtres de chais soignent le vin, l'achètent, le vendent, mais aussi le distribuent.

Les pillards du Moyen âge
Malgré les méfaits des pillards, rasant les vignes et crevant les tonneaux pleins de vin, la fin du Moyen Age est marquée par des années de grande production. La municipalité de Clermont se voit contrainte en 1415 de faire appel au roi Charles VII pour interdire aux villages de Beaumont, Romagnat et Aubière d'apporter leurs vins en ville.

L'ampleur de la Renaissance
Avec la Renaissance, la culture de la vigne prend de l'ampleur, et le peuple des ceps reprend sa conquête des pentes auvergnates. Mais les catastrophes climatiques stoppent leur avance dans la deuxième moitié du XVIème siècle. A Gerzat, la grêle sévit en 1590 et 1591 ; à peine remise la vigne est victime de la gelée en 1594 ! Les pauvres ceps sont si meurtris qu'il faut les amputer jusqu'à la souche ! Ils ne retrouveront toute leur vigueur que deux ou trois ans plus tard…

Les mauvaises…
Les vignerons auvergnats, leurs vaillants protecteurs, souffrent autant qu'eux. Saignés par la noblesse et le clergé, ils se plaignent aussi des mauvaises années dans des poèmes ou des cantiques :
"Nos vins de cette année nous font les pâles couleurs, ils sont verts comme poireau, et nous donnent la colique…, s'il vous plaît, l'autre récolte, donnez-nous en plus et meilleur".

…et les bonnes années
Les bonnes années, le vigneron sait se réjouir et les cantiques n'ont plus la même voix :
"Il nous a donné du bon vin, nous nous en mettrons dans la tête du meilleur à mon avis, celui de cette année. Il ne convient pas de boire de la piquette, le vin de ménage sera la boisson des frères du Couvent…".

Le Chanturgue à la Cour de Versailles
Au cours du XVIIème siècle, les vignerons auvergnats sont au sommet de leur art. La culture de la vigne n'a plus de secret pour eux. Désormais, le jus du fruit de ces ceps tant aimés sera l'objet de toute leur attention. La qualité du vin s'améliore au point de porter sa renommée dans tout le royaume et jusqu'à la cour de Versailles.
La bourgeoisie des villes, devenant propriétaire de petits clos autour des agglomérations, va donner leurs lettres de noblesse aux crus qui ont fait la grandeur des vins d'Auvergne : Chanturgue, Montjuzet, Neyrat, Bourrasol, Châteaugay, Pompignac, Corent, etc. A chaque maison s'attachent un cuvage et une cave, avec leur vaisselle vinaire : tonneaux, cuves, pressoirs… Les confréries bachiques fleurissent, telle la Compagnie du Tourret.

Le vin d'Auvergne tué par sa trop grande popularité et le règne du "Gamay"
La popularité du vin a pourtant une fâcheuse conséquence pour le vignoble auvergnat à partir du XVIIIe siècle. En effet, les pratiques viticoles vont évoluer. La consommation du vin se généralise : les prix augmentent. L'aménagement de l'Allier favorise le commerce du vin. Le peuple des ceps s'installe du même coup dans le val d'Allier. Mais les cépages anciens ne sont plus assez productifs. Peu à peu mes ancêtres sont délaissés au profit d'une autre race de ceps : le Gamay.
Avec le surpeuplement, la vigne devient la culture la plus rentable. Le vigneron doit produire pour vivre. Qui aurait cru que "l'arbuste à vin" deviendrait "l'arbre à pain" ? Mais le peuple des ceps accepta de jouer ce rôle pour ces vignerons miséreux : juste retour des choses pour tant de siècles d'amour…

Vignerons auvergnats au début du XIXème siècle

L'appel de Paris
Dès lors, le gamay à gros rendement chasse les cépages plus prestigieux de tout le vignoble auvergnat. Les gargotes et les caboulots parisiens réclament ce vin coloré, souvent de mauvaise qualité quand ils arrivent dans la Capitale. Alors de Pont-du-Château, les sapinières l'emportent vers Orléans, Paris, Tours, Nantes. Mais ce marché allait s'essouffler rapidement. Les aléas d'un long voyage, les taxes et douanes, nombreuses dès qu'on passait les frontières de l'Auvergne, découragèrent importateurs et exportateurs. Le vin resta en Auvergne. La surproduction alliée aux années d'abondance donna bien des soucis aux vignerons. C'est ainsi, qu'en 1753, 1754 et 1755, "on employa du vin en place d'eau pour faire du mortier tant cette denrée était commune et à vil prix".

Pour stocker, on creuse des caves
A partir de la Révolution de 1789, avec l'accès à la propriété du petit peuple, les parcelles se morcellent. Au XIXème siècle, les ceps repartent en campagne pour conquérir d'autres territoires. Le vignoble ne cesse de s'agrandir. Pour stocker le vin, on creuse des caves à flanc de coteaux. La vigne descend dans la plaine. En bordure de l'Allier, chaque village se transforme en petit port où l'on embarque le vin pour la Capitale. D'Issoire à Puy-Guillaume, ce n'est qu'un long défilé de sapinières chargées de barriques. Les cours du vin sont bas, mais il se vend bien : rien de tel pour encourager le vigneron à planter partout !

Aubière, victime de "l'or rouge"
La superficie du vignoble passe de 21.500 hectares en 1788 à 34.000 en 1850. Il dépassera les 45.000 hectares en 1892 ! "Dans certaines communes, toutes les hauteurs étant couvertes de ceps jusqu'au point au-delà duquel il ne serait plus possible de les voir réussir, la vigne menace de chasser les céréales de la plaine pour se substituer à elles. La commune d'Aubière est une de celles où ce fait se manifeste de la manière la plus éclatante (...). Aussi la terre atteint-elle des prix fabuleux dans cette commune" (Baudet-Lafarge, Revue Viticole, 1863). En effet, en 1865, les vignes se vendent jusqu'à 25.000 francs l'hectare !


1000 hectares de vignes pour les vignerons aubiérois !
A la fin du XIXème siècle, le peuple des ceps couvre plus de 500 hectares sur les 765 que compte la commune d'Aubière. Sur ses 3.000 habitants, on recense autant de vignerons ! Ceux-ci, non contents de cela, vont travailler la vigne sur les communes limitrophes. Qui va au Crest, à Orcet ou à La Roche Blanche, qui à Pérignat-lès-Sarliève, Romagnat ou Beaumont, qui encore à Ceyrat, Lempdes, Cournon ou même Clermont et ses côtes de Chanturgue, de Puy-Long ou de Crouël. Les Aubiérois et leurs journaliers travaillent ainsi jusqu'à 1.000 hectares de vignes ! On s'enrichit, on s'embourgeoise, on construit de vastes maisons assises sur un cuvage. Les balcons de fer forgé encerclent ces bâtisses quelque soit l'exposition. Le vigneron roule calèche, endimanché de la tête aux pieds, montrant aux passants éberlués les toilettes du dernier chic de Madame et de sa fille... Le dimanche, on invite les Clermontois sur les caves, où l'on boit à la "saoulée". Aubière, la "Cité du bon vin", est alors qualifiée de Capitale du vignoble auvergnat...
Cette euphorie soudaine, qui enflamme tout le vignoble d'Auvergne, ne laisse pas d'inquiéter le peuple des ceps. Un de leurs messagers, venu du Sud de la France, ne les a-t-il pas averti, lors de son passage en 1868 à Mezel, qu'une terrible épidémie mortelle les menace tous ? Il paraît que c'est un insecte importé de la lointaine Amérique qui transmet cette terrible maladie : le phylloxéra.


On se presse sur les caves à Aubière, au début du XXème siècle

Le département du Puy-de-Dôme : troisième producteur français !
Le peuple des ceps tremble, tandis que les vignerons auvergnats, attirés par l'appât d'un gain rapide, plantent et produisent toujours plus. Alors que les autres régions viticoles de France sont déjà atteintes par le phylloxéra, la production auvergnate passe de 472.000 hectolitres en 1860 à 1.041.000 hectolitres en 1868, puis à 1.630.000 hectolitres en 1885 ! Le département du Puy-de-Dôme devient à cette époque le 3ème département producteur français. Dans la banlieue de Clermont-Ferrand, à Beaumont et à Aubière, le rendement moyen à l'hectare atteint exceptionnellement les 75 hectolitres.

Le phylloxéra
Les ceps commencent à ressentir les premiers effets de la maladie en 1892-93. En quelques années, tout le vignoble auvergnat est atteint, de Madargues au nord, à Boudes au sud. Les ceps meurent un à un au grand dam des vignerons. Un Aubiérois écrira quelques années plus tard : "... à cette époque, on a pu croire que la précieuse plante allait nous être ravie... Nous avons pu et su profiter des expériences faites dans le Midi, sur le greffage. Nous pouvons nous féliciter de l'énergie et de la volonté que nous y avons employées, ...la crise nous a été bien moins dure aussi, en raison de ce que certains de nos cépages anciens ont résisté assez longtemps pour que nous ayions toujours récolté un peu de vin pendant que nos premières plantations greffées arrivaient à production" (Guillaume GIOUX, Traité de la Viticulture dans le département du Puy-de-Dôme, 1920).
La crise phylloxérique aura néanmoins des conséquences graves. Beaucoup de vignerons, fortement endettés, iront à la ruine. D'autres, s'acharneront à reconstituer leurs vignes, et pour cela n'hésiteront pas à s'engager dans la plantation de cépages hybrides, produisant un vin de très mauvaise qualité. Ceux-là ne se doutent pas qu'ils enterrent pour longtemps la bonne réputation des vins d'Auvergne. Plus rares furent ceux qui rechercheront le maintien de la qualité, en greffant les cépages anciens bien adaptés aux terroirs locaux. Néanmoins, la période faste est définitivement terminée pour les vignerons auvergnats. En moins de dix ans, la superficie du vignoble diminue de près de 50%, pour atteindre en 1901, 26.500 hectares pour une production de 745.000 hectolitres.

La fin d'un rêve
En ce début de XXème siècle, le peuple des ceps se replie sur lui-même. Il n'a plus d'unité, et l'ennemi, qui l'attaque sournoisement, prend de multiples formes. La surproduction des vignobles méridionaux met l'économie viticole auvergnate au plus bas : les vins ne se vendent plus. Le vigneron perd sa main-d’œuvre, attirée par la ville et ses industries. En 1910, le mildiou vendange la récolte avant l'heure. Le constat est terrible : 7.500 hectolitres, soit 3,10 hl/hectare ! C'est la première Guerre mondiale qui assènera le coup fatal au grand vignoble auvergnat : 15.300 hectares en 1920, 10.500 en 1930.
Le peuple des ceps est triste. Le vigneron vieillit et se fait rare. N'entendait-on pas sur les coteaux sonner le glas du cep ?... Un Aubiérois, vigneron de son état, eut la même sensation. Et voici ce qu'il observa :

La nuit continuait, le jour dormait encore
Lorsqu'un bruit de sabots résonna au dehors.
Réglé comme une horlog' depuis bien des années
Le vigneron partait pour toute la journée.
Silhouette oscillant' comme cell' d'un pèlerin.
Il était tout bossu, tout tordu, tout noueux,
Et, cep parmi les ceps, il ressemblait à eux.
Sous son chapeau de feutr', son œil gris tout rusé
Découvrait l'horizon humide de rosée.
Tout'une vie de travail avait fait son bonheur
Et ce jour-là encore il partait au labeur.
Il vivait simplement sans bien se fair' de peine
Car de tous ses besoins la nature était pleine :
La tiédeur du brasier, la fraîcheur du noyer
A chaqu'tour de saison voulaient bien l'honorer ;
Et la fleur du Printemps, et le fruit de l'Automne
Tous les dieux de la terr' veulent qu'on les lui donne ;
Le champignon crâneur, le béret sur l'oreille,
Agrémentait vraiment le goût de son oseille :
Et le lapin agile et l'escargot baveur,
Sans l'avoir souhaité, lui laissaient leur saveur.
Cependant, à la fin du jour, mauvais présage :
Il n'avait pas poussé la porte du cuvage.
Ses parents, ses amis cherchèr' toute la nuit.
Et c'est le lendemain que le premier le vit.
Dans la lueur du jour vagissant de splendeur,
La mort l'avait vaincu, figé dans sa raideur.
Autour tout était calme, on écoutait son âme.
Et sur les flancs du puy d'Anzelle
On entendit comme un bruit d'ailes.


(Joseph Bourcheix, La mort du vigneron)

"La Clermontoise" : première cave coopérative d'Auvergne
Cependant, les grands crus, tels Madargues, Châteaugay, Chanturgue, Corent, Boudes et quelques autres, moins prestigieux, maintiennent leur bonne réputation, grâce au travail consciencieux des petits propriétaires-vignerons. Dans les villages viticoles de la banlieue sud de Clermont-Ferrand, on s'inquiète. Les conséquences de la crise économique de 1929 menacent les classes rurales. Avec la disparition de la main-d’œuvre, la mécanisation s'impose. La mévente du vin condamne à brève échéance le petit exploitant. A la tête de l'union des viticulteurs, le maire d'Aubière, Jean Noëllet, et des personnalités du monde agricole du département, vont dissiper les doutes des vignerons et donner un nouvel élan au vignoble d'Auvergne. La première cave coopérative départementale est créée à Aubière, pour les vendanges de 1935.
Son apport positif se résume ainsi : suppression de la main-d’œuvre déficitaire et coûteuse de la vendange, du travail de la vinification, de l'achat et de l'entretien du matériel vinaire ; plus-value de la qualité par une vinification scientifiquement contrôlée, plus-value du rendement ; vinification du produit et garantie certaine de l'appellation d'origine.
Les vignerons de tout le département adhèrent à cette initiative : les quatre cantons de Clermont-Ferrand, ceux de Saint-Amant-Tallende, Veyre, Pont-du-Château, Vertaizon, Issoire, Vic-le-Comte et Billom.
Mais à elle seule, la Cave coopérative "La Clermontoise" ne peut soutenir le vignoble tout entier. La superficie du vignoble ne cesse de diminuer : 11.000 hectares en 1939, 7.000 en 1945, 5.700 en 1970, 2.500 hectares pour une production de 72.700 hectolitres en 1992.

La cave coopérative d'Aubière "La Clermontoise"


Un urbanisme forcené repousse le vignoble
Après la seconde Guerre mondiale et le boum de la natalité, la population se concentre dans la grande ville Clermont-Ferrand et sa banlieue. Le peuple des ceps est chassé, repoussé par l'avance du béton. Les vignobles de Montjuzet, Chanturgue, Neyrat à Clermont, ceux de Beaumont, Gerzat, Lempdes, Aubière, Romagnat, Cournon et même Pérignat-lès-Sarliève sont peu à peu mangés par les constructions. Le fils de vigneron ne succède plus au père. A Aubière, au début des années 60, on ne compte plus qu'une dizaine de vignerons. Mais les mentalités ont changé. Des ères de production sont créées. Le vigneron se cultive et se professionnalise. Le retour à la qualité devient son leitmotiv.

L'espoir renaît
Aussi, le vigneron abandonne la cave coopérative ; il élève lui-même son vin et le commercialise. Au début des années 1960, il se lance dans la mise en bouteilles. Une nouvelle ère commence. Le vigneron se modernise ; la mécanisation entre dans les cuvages (pressoirs automatiques horizontaux) et dans les vignes (tracteurs-enjambeurs).

Qualité et authenticité des crus
Dans le cadre de la Fédération viticole du Puy-de-Dôme, les vignerons d'Auvergne se regroupent pour défendre leurs productions. Afin de répondre aux goûts des consommateurs plus exigeants, et dans un souci très rigoureux de qualité, le vignoble auvergnat donne de plus en plus de place aux cépages "pinot" et "chardonnay". En 1987, sous l'impulsion d'une dizaine de viticulteurs indépendants, la Fédération des Caves Particulières des Côtes d'Auvergne est créée. Les 4/5è des viticulteurs-embouteilleurs du département y adhèrent pour défendre leurs terroirs et l'authenticité de leurs vins.

Et moi, petit cep parmi les ceps d'aujourd'hui, je me demande si je ne suis pas un privilégié. 2.000 ans déjà ! Bientôt deux mille ans que mes ancêtres et moi-même agrippons nos racines dans la terre accueillante d'Auvergne... Accroché au sommet du Puy d'Aubière, je me plais à contempler la chaîne des Dômes couronnant la ligne de l'horizon, comme une barrière infranchissable. A mes pieds, ou devrais-je dire : à mon pied, Aubière, au noble passé viticole, se veut, une fois de plus, fidèle à sa tradition millénaire. Le site unique de ses caves a choisi de se refaire une beauté. Sur le versant opposé, sans aucun doute une des plus anciennes caves d'Aubière, la "Cave à Madame", comme on l'appelle depuis plusieurs siècles, est devenue le Musée de la Vigne et du Vin de Basse Auvergne. Cette cave, construite sur trois niveaux, est l'ancienne cave du château d'Aubière, avec lequel, dit-on, elle était reliée jadis par un souterrain. C'est là, que la châtelaine faisait rentrer le vin de ses vignes travaillées par les Aubiérois. Aujourd'hui, ce Musée, créé à l'initiative de la Municipalité d'Aubière et du Conseil Général du Puy-de-Dôme, est avant tout un hommage aux vignerons d'Auvergne qui ont porté, et qui portent encore aujourd'hui, le travail de la vigne et du vin à un haut degré de qualité.

Extrait de "AUBIERE ET LE VIN", Cahier n°2 du Cercle Généalogique et Historique d'Aubière.

© Cercle Généalogique et Historique d'Aubière - "AUBIERE ET LE VIN" Cahier n°2 - 1997 (Pierre Bourcheix)

 Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/

 

 

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