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samedi 31 décembre 2011

Auvergne-Canada : Ponteix en Saskatchewan (Canada)

L’épopée canadienne d’une poignée d’audacieux Auvergnats…

Dès 1890, le gouvernement canadien cherche à peupler la province de la Saskatchewan, en plein cœur du Canada. L'abbé Royer l'apprend dans un article de l'abbé Gaire. Rêvant de fonder une paroisse dédiée à la Vierge Marie, il convainc quelques-uns de ses paroissiens auvergnats à le suivre dans l'aventure.
C'est ainsi que naît la paroisse Notre-Dame d'Auvergne (1908), qui deviendra Ponteix (1914), dans le sud-ouest de la Saskatchewan.

Ponteix en Saskatchewan (Canada)

L'abbé Albert-Marie Royer est né à Combronde (Auvergne, Puy-de-Dôme) en 1860. Il est ordonné prêtre et exerce son premier ministère à Aubière (Puy-de-Dôme) comme vicaire de l'abbé Teytard, entre 1885 et 1890.
Nommé curé de Ponteix, petit village dans la commune d'Aydat (Puy-de-Dôme), l'abbé Royer va arpenter les paysages qui s'offrent à lui aux pieds des Monts Dôme. Il les fixera par la photographie, art nouveau qu'il affectionne tout particulièrement. Il met aussi à profit ces ballades pour mettre en scène ses héros des "Drames de la Monne", qu'il publie d'abord sous forme de feuilleton. Ses paroissiens lisent assidûment ces aventures qui paraissent dans le journal catholique "La Croix d'Auvergne" sous la signature de Jehan L'HERMITE. Et, au cours de ses visites dans les villages et hameaux de son secteur, il se plaît à bavarder avec ses lecteurs. Il les questionne, provoque leurs réactions, écoute leurs critiques et leurs attentes. De retour dans sa cure, il oriente le déroulement de l'action de ses héros, faisant monter la pression ou bien glissant insidieusement vers un dénouement heureux et conforme à la bonne morale de cette fin de 19ème siècle. Déjà, le lecteur participe, sans le savoir, aux rebondissements aventureux de la vie de ses héros. Ce roman paraîtra en 1899 sous les presses de l'Imprimerie Moderne de Clermont-Ferrand. (1)
Passé le siècle, l'envie de fonder une paroisse en l'honneur de la Vierge Marie taraude l'abbé Royer. Il va d'abord prospecter en Algérie. La vision d'horizons nouveaux l'attire au point que l'article de l'abbé Gaire, vantant les grandes prairies canadiennes, ne peut que le séduire.
La réalisation de son rêve ne se fera pas sans difficultés. Mais sa persévérance aura raison de tous les obstacles. En 1908, la paroisse Notre-Dame d'Auvergne est fondée ; en 1914, le nouveau village, déplacé à cause de la ligne de chemin de fer, porte le nom de son ancienne paroisse auvergnate : Ponteix. En 1913, des religieuses de l'ordre de Notre-Dame étaient venues ouvrir un couvent à Ponteix. Le charisme de l'abbé Royer aura attiré un grand nombre de colons francophones dans toute la région où se fondèrent de nombreuses villes.
Il mourra en 1922 près de ses paroissiens aux multiples origines. Son souvenir a marqué ses contemporains, et aujourd'hui encore, on ne peut parler de Ponteix en Saskatchewan sans faire référence à l'abbé Royer et à son œuvre.

Le Centre Culturel Royer de Ponteix est le siège social de l'Association "Les Auvergnois". Cette association regroupe des francophones et francophiles de la région de Ponteix au Canada. Elle a pour but de promouvoir la culture française (tourisme, économie, culture et éducation) et de sauvegarder l'histoire et l'origine de Ponteix. Ses membres font parties des "Fransaskois", terme dont l'origine fut trouvée, par hasard, sur l'Internet :
« Ce n'est que depuis 1970 que les francophones de la Saskatchewan ont adopté le nom "Fransaskois" pour s'identifier comme groupe linguistique de langue officielle.
En fait, les Fransaskois sont d'origines diverses. La plupart trouvent leurs racines en Nouvelle-France et dans la vallée du Saint-Laurent. Les chemins qui ont mené ces gens à la Saskatchewan ont parfois été longs et compliqués mais la plupart des familles ont participé aux projets de colonisation menés par le clergé franco-canadien et québécois au début du 20ème siècle.
Les Fransaskois sont essentiellement un groupe linguistique qui possède une origine culturelle variée. Européens (Français, Suisse, Belge) Franco-américain et Québécois. A ceux-ci nous pouvons ajouter les Libanais, Vietnamiens, Haïtiens etc., qui habitent la Saskatchewan.
La majorité des Fransaskois sont en Saskatchewan depuis les années 1910-1920. En fait les 60 villages et communautés fransaskoises se sont établis au début du 20ème siècle. Cependant depuis la deuxième guerre mondiale de nouveaux immigrants de langue française viennent renforcer les rangs de la communauté fransaskoise. Ils s'installent surtout dans les villes, parmi eux plusieurs œuvrent pour les associations francophones et la fonction publique fédérale, d'autres s'impliquent directement dans le bénévolat local.
Beaucoup de Fransaskois se considèrent encore aujourd'hui des Canadiens-français, le terme Fransaskois étant encore relativement nouveau. D'autres préfèrent se dire Franco-canadiens, ce terme est plus global et inclut tous les parlants français de naissances. Lorsque l'ACFC se dote de son nom en 1918 les fondateurs utilisent le terme "franco-canadien" pour identifier la clientèle de l'association.
Le terme Fransaskois est un nom que les gens adoptent de façon individuelle dépendant du degré d'importance qu'ils accordent à la langue française dans leur vie personnelle tout comme l'implication qu'ils donnent à la vie socio-politique et socio-culturelle en français en Saskatchewan.
Cependant, nous considérons que les francophones de langue maternelle en Saskatchewan identifiés lors des recensements du Canada (2,3% de la population totale), sont des Fransaskois
».

À l'aube du 21ème siècle, Ponteix en Saskatchewan est une ville dont l'activité principale repose toujours sur l'agriculture. On y trouve de vastes exploitations de plus de 200 hectares chacune. Pour faire face aux difficultés commerciales, les fermiers tentent de se diversifier en s'orientant vers l'élevage (autruches, faisans). Mais, contrairement à la plupart de leurs homologues français, les "ranchers", comme on les appelle là-bas, participent à la vie citadine, dès que leur journée est terminée. On peut ainsi les rencontrer dans les restaurants, à la piscine ou au golf.
Cependant, Ponteix reste un village avec ses quelque 600 habitants. Son isolement au milieu de vastes surfaces destinées à la culture céréalière, qui semblent se prolonger au-delà de l'horizon, l'oblige à disposer de tous les services nécessaires à notre époque. Vous y trouverez des centres commerciaux, un hôpital, des écoles, des banques, des restaurants… L'hôtellerie est très développée : vous pouvez réserver votre chambre d'hôtel de chez vous, via Internet !
La vie associative y est très riche, et les occasions de faire la fête sont nombreuses à la belle saison entre juin et novembre. Juillet est justement l'époque du pèlerinage à Notre-Dame d'Auvergne.

Notre-Dame d'Auvergne

C'est la plus haute église sans piliers de tout le sud-ouest de la Saskatchewan. Les deux flèches de Notre-Dame d'Auvergne de Ponteix culminent à plus de 40 mètres de haut et sont visibles à des kilomètres à la ronde. Ses cloches "Paccard", au nombre de quatre, sonnent matin, midi et soir. Elles ont été fondues en Haute-Savoie, à Annecy le Vieux. Cette église succède à une autre église, construite à partir de 1914. Un incendie la détruira, en 1923, peu après le décès de l'abbé Royer.
C'est de cette église de bois que la piéta, baptisée Notre-Dame d'Auvergne par l'abbé Royer et ses paroissiens, échappa aux flammes, grâce au courage d'un jeune homme, Wilfrid Liboiron. C'est au cours de son troisième voyage en 1908, que l'abbé Royer ramena la statue en Saskatchewan. C'est à Aubière, où il avait exercé son vicariat quelque vingt ans plus tôt, que l'abbé Royer "prit en charge" la piéta que lui offrait le chanoine Teytard, curé d'Aubière. L'origine de cette statue est inconnue. On ignore aussi comment elle se trouvait entre les mains du chanoine Teytard en 1908. Nos amis Canadiens estiment qu'elle date de 1490 ; mais elle pourrait dater du 16ème ou 17ème siècle seulement. Qu'importe, aujourd'hui, elle est considérée, à juste titre, comme un trésor.

Abbé Teytard, curé d'Aubière


Les pionniers d'Auvergne.
C'est en mars 1906, que l'abbé Royer part pour sa première traversée de l'Atlantique avec Baptiste Brousse, originaire de Rouillas-Haut. Ce dernier partagera les premières difficultés rencontrées en Saskatchewan. Mais il s'installe rapidement à Gravelbourg (Sask.). Sa famille auvergnate ne possède que deux lettres de lui : une de 1923 et l'autre de 1950, mais pas d'adresse. Il ne reviendra jamais en France.
En octobre 1906, suite à une réunion en vue du projet de jumelage d'Aydat, chef-lieu de la commune où se trouve Ponteix en Auvergne, et de Ponteix en Saskatchewan, sa nièce Eliane Beaudonnat, demande que l'on retrouve la trace de son oncle Baptiste. Michel Jestin, de La Cassière, s'y consacre activement et, via Internet, retrouve les descendants de Baptiste Brousse, en février 1997 en Ontario. Cette découverte donnera lieu à d'émouvantes retrouvailles.

Lors de son second voyage, en octobre 1906, l'abbé Royer emmène avec lui Barthélemy Guièze, et Jean Bayle.
Barthélemy Guièze est né à Ponteix (Aydat) le 25 août 1882. Il est le fils de Jean et de Marie Savignat. Avec ses compagnons, il découvre le site où s'implantera la première paroisse de l'abbé Royer, qui sera baptisée Notre-Dame d'Auvergne. Est-ce la mort de l'abbé en 1922 qui le pousse à quitter cette terre, plutôt ingrate après tout, et à revenir dans son Auvergne natale, où il se marie, le 3 février 1923, avec Félicie Fage du village d'Authezat (Auvergne) ? Son fils Raoul deviendra maire de ce village vigneron. Barthélémy y décède le 29 avril 1959.
Jean Bayle est né à Aubière, le 17 mars 1874 ; il est le fils de François et de Jacquette Montel. Comme Barthélemy Guièze, il acquiert pour 10$ de l'époque un "Homestead" de 83 hectares (160 acres) et participe aux premiers défrichages et aux premiers semis.
Ils sont rejoints au début de 1908 (3ème voyage de l'abbé Royer) par Barthélemy Vaury, son épouse Philomène Guièze, dite Odile, cousine germaine de Barthélémy Guièze, et Joseph Morel, tous trois de Ponteix (Aydat). Barthélémy Vaury crée le premier bureau de Poste, qui se trouve être l'une des deux premières maisons de Notre-Dame d'Auvergne, avec celle que l'abbé Royer partage avec Barthélémy Guièze. Il décède le 11 août 1910 à Ponteix (Sask.). Sa femme, Odile Guièze, devient alors la postière de Ponteix (Sask.). Jean Bayle vivra avec elle. Ils s'unissent à New-York (USA) entre 1919 et 1921. Ils n'auront pas d'enfant. En 1929, ils décident de rentrer en France, en raison de l'état de santé de Jacquette Montel, la mère de Jean Bayle. Quelques années plus tard, ils feront construire une villa à Aubière, route de Beaumont (aujourd'hui, avenue du Mont-Mouchet). Après le décès de Jean Bayle (le 23 août 1953 à Aubière), Odile Guièze séjourne à la maison de retraite "Notre Dame", 2, rue du Couvent à Mozac (Puy-de-Dôme), près de Riom. Elle décède à Riom (Puy-de-Dôme), avenue de la Libération, le 5 mars 1968. Elle était née le 22 février 1876 à Ponteix (Aydat), de Antoine Guièze et Marie Chaduc.
Joseph Morel est rejoint en 1913 par son fils Xavier Morel (né en 1880) et son épouse Léa (née le 11 février 1889 à Saulzet-le-Froid ; sœur de Barthélémy Guièze), peu après la naissance de leur fille Raymonde (née en 1913, elle est alors âgée de trois mois). Celle-ci va grandir au milieu des prairies. Mais, en 1918, sa mère Léa meurt. Âgée de 5 ans, Raymonde est élevée par Odile (Philomène) Guièze, cousine germaine de Léa. Puis, son père se remarie avec une Canadienne. C'est à la demande de sa grand-mère maternelle que Raymonde va rentrer en France, accompagnée par le couple Bayle, en 1923. Son grand-père, Joseph Morel, meurt en mai 1920 à Espinasse (63), lors d'un séjour en France. Xavier meurt en 1967 en Saskatchewan. Ses descendants vivent aujourd'hui en Alberta (Canada). Raymonde (Mme Mazeleix) vit toujours à Ponteix (Aydat, France) ainsi que ses enfants. Elle retourne fréquemment au Canada. Sa demi-sœur vient également en France, ainsi que ses neveux et nièces.

Grâce à l'association "Philadelphia", dont le siège est à Aydat, des contacts se sont établis : venue à Aydat de quelques Canadiens (janvier 1999) ; voyage en Saskatchewan de membres de "Philadelphia" (été 1999) ; enfin, en mai 2000, voyage des élèves de l'école de Fohet et signature d'un pacte d'amitié entre les deux municipalités à Ponteix (Sask.).
Un livre retraçant l'épopée de ces pionniers est actuellement en préparation, reprenant toute la correspondance de l'abbé Royer avec sa famille, et illustré de nombreuses photographies. (2)

NOTES :
(1) - Des paroissiennes recopièrent soigneusement ces feuilletons sur des cahiers. C'est grâce à ces copies qu'il a été possible de rééditer " Les drames de la Monne " en 2000, aux éditions du Miroir, Clermont-Ferrand.
(2) – Ce livre est paru en décembre 2001, sous le titre : de PONTEIX (Puy de Dôme) à PONTEIX (Saskatchewan), La conquête de l’Ouest de l’abbé ROYER (1860-1922), sous la plume de Maurice Mandon. (cette note a été rajoutée en 2010).

© Cercle généalogique et historique d’Aubière, 2001 - (Pierre Bourcheix)


Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/
 
 

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