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vendredi 16 décembre 2011

Analyse des eaux d'Aubière en 1875

Les eaux potables à Aubière en 1875

Rapport de M. TRUCHOT
Professeur suppléant à la Faculté des Sciences

Où l’on apprend que 70 % des eaux d’Aubière sont non potables ! Et que la bonne santé des Aubiérois est due à la consommation du petit vin de leur fabrication…

« On admet généralement que la composition des eaux qui alimentent une population a une certaine influence sur l’état de santé habituel de cette population. Il doit en être ainsi, car l’eau employée comme boisson ne joue pas seulement le rôle de véhicule pour le bol alimentaire, ne sert pas seulement à étancher la soif, comme on pourrait le croire a priori, mais par les substances gazeuses et salines qu’elle renferme, elle intervient dans les phénomènes de la digestion et de la nutrition.
C’est, du reste, un fait bien démontré : l’eau la plus pure et celle qui est trop chargée de principes minéraux sont également impropres à la boisson.
La composition chimique d’une eau potable doit donc donner la mesure de sa valeur : on ne saurait trop, dans un intérêt public, multiplier les recherches analytiques au sujet des eaux, et je demanderais à l’Académie la permission de lui communiquer les résultats de l’analyse des eaux d’Aubière, avec quelques réflexions qui m’ont été suggérées par les chiffres trouvés.
L’Académie, en désignant comme sujet de concours pour le prix d’hygiène, l’analyse, aussi complète que possible, des eaux potables de certaines localités, a montré tout l’intérêt qui s’attache à ces questions, et je serais heureux que les travaux effectués au laboratoire de la station agronomique du Centre répondissent, sur ce point de vue, à sa pensée.
L’importante commune d’Aubière est alimentée par une fontaine – tout à fait insuffisante pour sa population et qui tarit même pendant une partie de l’année – et surtout par un grand nombre de puits.




La fontaine des Ramacles, rive gauche de l'Artière


Il fallait s’attendre, étant donnée la couche calcaire dans laquelle sont creusés ces puits, à trouver des eaux chargées de sels terreux. D’autre part, il était à craindre que, vu l’agglomération de la population, l’étroitesse de beaucoup de rues, la présence de fumiers, etc., ces eaux ne contiennent des matières organiques et peut-être des nitrates, substances nuisibles lorsque leur proportion devient notable. C’est ce que l’analyse est venue confirmer et ce que montre le tableau récapitulatif en annexe.
Vingt analyses ont été faites. Je me hâte de dire que ces analyses ne sont pas complètes ; le temps m’eût manqué pour cela ; mais le dosage des principales substances, de celles qui forment les dix-neuf vingtièmes de la masse totale, suffit pour caractériser ces eaux et à répondre à la pensée qui a présidé à ces recherches.
Le carbonate de chaux, le carbonate de magnésie, le chlorure de sodium, le sulfate de chaux, les nitrates, les matières organiques, l’état d’aération et, enfin, la somme totale des principes fixes, tels sont les éléments déterminés.
Les eaux sont, dans le tableau récapitulatif, rangées par ordre de pureté. La première, la meilleure sans contredit, est celle de la fontaine de la Place publique ; la dernière est celle d’un puits de la rue Saint-Antoine : elle contient plus de 2g50 de matières salines par litres, et entr’autres, du sulfate de chaux, des nitrates et des matières organiques.
J’exprimais mon étonnement que cette eau pût être utilisée comme eau potable et la personne qui me l’avait fournie confirma pleinement les conclusions de l’analyse.
Cette personne, qui avait habité précédemment la rue de Clermont et qui avait fait jusque là usage du puits communal qui porte le n°2 ne pouvait s’accoutumer à l’eau de la rue Saint-Antoine : « elle lui faisait mal », et encore n’en usait-elle pas continuellement car elle passe une grande partie de ses journées à Clermont.
On sait d’ailleurs parfaitement à Aubière que telle eau vaut mieux que telle autre. Le puits communal de la rue de Clermont, par exemple, donne une eau qui a la réputation de bien cuire les haricots : or, elle porte le n°2 dans le tableau précédent, c’est-à-dire qu’elle est la meilleure eau de puits. Si l’on considère les chiffres qui indiquent la somme des principes fixes, ou matières salines, on remarquera que sur 20 eaux analysées, 6 seulement pourraient être considérées comme bonnes eaux potables.
Il est admis, en effet, qu’une eau est mauvaise dès qu’elle contient 600 milligrammes de sels terreux par litre. Une bonne eau en renferme 200 ou 300, au plus.
Toutes ces eaux contiennent de la magnésie et du sulfate de chaux. Ce dernier sel, qui caractérise les eaux dites séléniteuses, dépasse 100 milligrammes dans les 14 dernières.
Enfin, ces mêmes 14 dernières renferment des nitrates dans une proportion qui varie de 30 à 50 mmg/litre et de matières organiques dans la proportion de 40 à 80 mmg/litre.
Les matières organiques produisent ici leur effet accoutumé, elles absorbent l’oxygène de l’air dissous ; c’est ce que l’on constate en jetant les yeux sur la composition de l’air fourni par ces eaux. Tandis que la proportion d’oxygène est de 28 % dans l’air de l’eau de la fontaine de la Place, cette proportion descend à 13, à 10 et même à 6 % pour l’eau des puits. On sait que dans l’eau aérée, qui ne renferme pas sensiblement de matières organiques, on trouve 33 % d’oxygène.
Le chlorure de sodium varie de 10 à 386 mmg/litre, mais ce sel est rangé parmi les substances utiles ainsi que le prouve l’usage journalier ; il n’y a pas lieu par conséquent de se préoccuper de sa présence dans les eaux.
En résumé, sur 20 échantillons d’eaux analysés, 6 présentent les caractères que l’on rencontre habituellement dans les bonnes eaux potables ; 14, au contraire, offrent, soit par la nature, soit par la proportion de leurs éléments, le caractère des eaux non habituellement potables.
Il faut croire que l’emploi habituel de ces eaux comme boisson aurait des inconvénients, et, si ces inconvénients ne se manifestent pas ordinairement à Aubière, il est à supposer que la raison est dans l’usage d’une boisson hygiénique, le petit vin, que l’on fait et que l’on consomme en très grande quantité, dans ce vignoble.
La constatation de ces caractères, la présence surtout de matières organiques en proportion notable dans ces eaux, fait penser qu’une épidémie a sévi dernièrement à Aubière. Y a-t-il une relation entre ces deux faits ? Je n’ai pas la qualité pour aborder cette comparaison, mais le savant président de l’Académie, Monsieur le Docteur Nivet, s’occupe, ou s’est occupé des causes de l’épidémie ; puisse-t-il trouver quelques éléments d’appréciation dans le travail que j’ai l’honneur de communiquer à l’Académie. »

Extrait du Cahier n°1 du C.G.H.A. : Aubière et l'eau du Moyen âge à nos jours

 Suivez l'histoire et la généalogie d'Aubière sur :  http://www.chroniquesaubieroises.fr/

 

 

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